Droit constitutionnel et administratif
En 2015, la Fondation WWF Suisse a appris que l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) menait une procédure de réexamen d’autorisation de mise en circulation pour le principe actif «Quinoclamine». Il a alors tenté de prendre part à la procédure, car il considérait que la substance active est hautement toxique pour les abeilles sauvages ainsi que pour d’autres insectes, et qu’elle menace la faune indigène ainsi que la diversité biologique. L’OFAG a rejeté sa demande de prendre part à la procédure. C’est à raison que le Tribunal administratif fédéral a admis le recours présenté par le WWF. Dans la procédure de réexamen d’autorisations de mise en circulation de produits phytosanitaires, le WWF dispose de la qualité de partie et peut former recours contre la décision qui s’y rapporte. Pour l’exercice du droit de recours des associations, il n’est pas nécessaire que la décision en question se réfère à un périmètre géographique déterminé.
(1C_312/2017 du 12.2.2018)
Droit civil
En procédure civile ordinaire, les parties ont la possibilité de s’exprimer à deux reprises de manière illimitée. Ensuite, elle ne peuvent être entendues qu’aux conditions limitées de l’art. 229 al. 1 CPC. Ce principe est également valable pour la procédure simplifiée. En procédure sommaire, toutefois, les parties ne disposent pas d’un droit à s’exprimer deux fois. Le TF laisse ouverte la question de savoir si l’art. 229 CPC doit s’appliquer par analogie quand une audience a lieu après un simple échange d’écritures ou quand, exceptionnellement, un deuxième échange d’écritures est ordonné.
(4A_557/2017 du 21.2.2018)
La période d’essai débute, en principe le jour de l’entrée en service effective, et sa durée se détermine en application de l’art. 77 al. 1 ch. 3 CO. Elle prend donc fin le jour qui, dans le mois suivant, correspond par son quantième au jour auquel a débuté la prise d’emploi effective. Si la conclusion du contrat de travail et l’entrée en service du collaborateur ont lieu le même jour, ce dernier ne doit pas être pris en considération dans le calcul de la période d’essai, car il n’est que partiellement à disposition de l’employeur.
(4A_3/2017 du 15.2.2018)
Le TF examine la question de la nature d’une prétention fondée sur la loi sur l’approvisionnement en électricité dans son examen de fond du recours en matière civile, car il s’agit du cœur du litige. La question de savoir si une telle prétention est de nature civile et relève de la compétence des tribunaux civils est de nature juridique, et ne constitue donc pas un fait de double pertinence. En l’espèce, la prétention relève du droit public.
(4A_305/2017 du 18.1.2018)
Lorsqu’un parent quitte le domicile commun avec les enfants sans l’accord de son conjoint, avec lequel il détient l’autorité parentale conjointe, aucune sanction directe n’est possible. La justice ne peut empêcher le déménagement ou forcer un retour en arrière que si le bien des enfants est mis en danger par un tel acte. L’attribution de l’autorité parentale à l’époux délaissé pourrait constituer une sanction indirecte, mais elle présuppose qu’il puisse assumer la garde des enfants et y consente. En l’espèce, une femme avait quitté le domicile conjugal situé en Argovie et s’était établie avec les deux enfants du couple à Bellinzone. L’homme, portier, ne pouvait assumer la garde des enfants.
(5A_47/2017 du 6.11.2017)
Le père biologique d’un enfant ne dispose d’aucun moyen pour faire constater juridiquement son lien de filiation lorsque la mère et son époux, inscrit à l’état civil comme étant le père juridique de l’enfant, refusent d’agir. Il ne dispose pas de la légitimité pour agir en contestation de la présomption de paternité du mari au sens de l’art. 256 al. 1 CC, et ne peut reconnaître l’enfant au sens de l’art. 260 al. 1 CC, cette dernière possibilité n’étant ouverte que lorsque le rapport de filiation n’existe qu’avec la mère. Le père biologique ne peut non plus faire reposer sa prétention sur une atteinte à sa personnalité ou sur le droit de l’enfant à connaître ses origines.
(5A_332/2017 du 18.12.2017)
Droit pénal
Lorsque la police interroge une personne appelée à donner des renseignements qui entretient des relations personnelles avec un prévenu, elle doit l’informer de son droit de refuser de témoigner. Il ne suffit pas que la personne soit avisée du droit de refuser de déposer, qui est reconnu à toute personne appelée à donner des renseignements. En l’espèce, le TF a annulé la condamnation pour pornographie d’un homme contre lequel l’essentiel des éléments retenus à charge reposaient sur les dépositions faites par son épouse, qui n’avait pas été dûment avisée de son droit de refuser de témoigner.
(6B_1025/2016 du 24.10.2017)
Seule la partie plaignante peut être astreinte par la direction de la procédure de l’autorité de recours à fournir des sûretés pour couvrir les frais et indemnités. Les autres participants à la procédure, au sens de l’art. 105 al. 1 let. f CPP, ne peuvent se voir imposer la fourniture de sûretés pour couvrir les frais et indemnités de l’appel qu’ils ont interjeté.
(6B_1356/2017 du 17.1.2018).
Un recourant au TF a présenté une demande de récusation en se plaignant du fait que la composition de la Cour appelée à statuer n’était, en l’espèce, pas déterminée par un plan de répartition défini par la loi, mais était laissée à la libre appréciation des présidents des Cours. Le TF a rejeté la demande. Ni la Constitution fédérale ni la CEDH et la jurisprudence afférente ne s’opposent à une composition de la Cour qui ne repose pas que sur le hasard et laisse une marge de manœuvre aux présidents, pour autant que cette fixation soit régie par la loi et qu’elle repose sur des critères objectifs. En particulier, la CrEDH n’exige pas que la composition de la Cour appelée à statuer puisse être identifiée à l’avance sur la base d’une norme générale et abstraite.
(6B_1356/2016 du 5.1.2018)
Droit des assurances sociales
Après avoir perdu son emploi, une magasinière déposa une demande de prestations auprès de l’AI. Elle toucha dès lors une rente entière de l’AI, en raison d’un degré d’invalidité de 70%, ainsi que des prestations d’invalidité de la fondation LPP. Dix ans plus tard, dans le cadre d’une procédure de révision, les deux rentes ont été supprimées. Suite à une dégradation de son état de santé, l’assurée parvint à obtenir une nouvelle rente de l’AI, mais pas de la fondation LPP. La pratique des tribunaux n’était jusqu’ici pas unifiée sur la question du degré et de la durée de la capacité de travail suffisante pour considérer que le lien de connexité temporelle entre l’incapacité de travail originelle, survenue durant le rapport de prévoyance, et l’invalidité ultérieure est interrompu. Selon le TF, une telle interruption doit être admise quand, durant plus de trois mois, l’assuré a une capacité de travail de plus de 80% dans une activité lucrative adaptée à son état de santé. En l’espèce, l’assurée avait droit à des prestations d’invalidité de la fondation LPP, en raison d’une incapacité de travail continue de 20% reposant sur des motifs psychiatriques.
(9C_147/2017 du 20.2.2018)