Droit constitutionnel et administratif
En vertu du principe de territorialité, une mesure technique de surveillance sur le territoire d’un autre Etat ne peut être mise en œuvre qu’en vertu du droit international ou, à défaut, avec le consentement préalable de l’Etat concerné. En l’espèce, dans une affaire de trafic de drogue sur la Riviera vaudoise, le Ministère public a placé une balise GPS et des micros dans plusieurs véhicules utilisés par le recourant, qui s’est rendu à l’étranger à plusieurs reprises, sans saisir les autorités étrangères concernées de requêtes. En l’absence, a priori, de règles en matière d’entraide autorisant les mesures en cause, les enregistrements effectués à l’étranger sont donc, en l’état, illicites et inexploitables.
(1B_164/2019 du 15.11.2019)
Entre 2001 et 2007, Swisscom, elle-même active en tant que fournisseur ADSL, a livré à d’autres fournisseurs la prestation préalable nécessaire pour pouvoir proposer à leurs clients l’internet à large bande via l’ADSL, à des prix élevés. Il en a résulté un «effet de ciseau tarifaire», soit une différence trop faible entre les coûts de la prestation préalable et les prix pour les consommateurs finaux, empêchant les concurrents d’exploiter leurs services ADSL de manière rentable. Le TF rejette le recours de Swisscom contre la sanction d’environ 186 millions de francs prononcée par le Tribunal administratif fédéral pour violation de la loi sur les cartels.
(2C_985/2015 du 9.12.2019)
Les nouvelles dispositions sur l’expulsion des étrangers condamnés pénalement, entrées en vigueur le 1er octobre 2016, ne sont applicables qu’aux infractions commises depuis cette date. La révocation d’une autorisation d’établissement, en vertu du droit des étrangers, est illicite lorsqu’elle est fondée uniquement sur une infraction pour laquelle le juge pénal a déjà prononcé une peine ou une mesure, mais a renoncé à ordonner une expulsion. Il en va de même si la révocation est basée sur des infractions commises avant le 1er octobre 2016, mais que le juge pénal a entre-temps renoncé à prononcer l’expulsion, pour autant que celui-ci ait également tenu compte de toutes les infractions commises avant cette date, dans son examen du cas de rigueur.
(2C_305/2018, 2C_1154/2018, 2C_358/2019, 2C_468/2019 et 2C_628/2019 du 18.11.2019)
Le TF s’est penché sur une disposition cantonale introduisant une présomption selon laquelle le critère de naturalisation relatif à la connaissance des conditions de vie en Suisse est rempli dès lors que le requérant a effectué tout son cursus scolaire obligatoire dans le pays. Il estime que cette règle n’est pas arbitraire et ne porte pas atteinte aux principes de primauté du droit fédéral et de l’autonomie communale. Il rejette les recours de trois communes du canton de Bâle-Ville contre une disposition de la nouvelle loi sur le droit de cité cantonal.
(1C_337/2019 du 13.11.2019)
Le droit d’un travailleur migrant de demeurer en Suisse en cas d’incapacité de travail permanente fondée sur l’Accord sur la libre circulation des personnes présuppose qu’il ne puisse plus effectuer aucun travail que l’on puisse raisonnablement exiger de lui. Si l’incapacité de travail se limite à l’activité professionnelle usuelle, il n’y a pas de droit à une prolongation du séjour en Suisse. Le TF rejette le recours d’un salarié portugais au bénéfice de l’aide sociale, auquel les autorités lucernoises avaient refusé de prolonger le permis de séjour après qu’il a été jugé apte à exercer une activité adaptée à 100%.
(2C_134/2019 du 12.11.2019)
Droit civil
Le TF se prononce sur deux recours concernant le délai de prescription des actions en dommages-intérêts et indemnité des héritiers de victimes de l’amiante. Dans le cas d’un homme décédé en 2006 qui avait habité jusqu’en 1972 à proximité du site d’Eternit SA à Niederurnen (GL), où de l’amiante était transformée, le TF rejette le recours des héritiers. Dans le deuxième cas, il admet partiellement le recours des enfants d’un ancien employé de BLS SA, décédé en 2004.
(4A_299/2013 et 4A_554/2013 du 6.11.2019)
L’art. 426 al. 1 CC, qui vise le placement à des fins d’assistance ou de traitement, ne constitue pas une base légale suffisante pour ordonner un placement uniquement au motif que la personne concernée présente un danger pour les tiers. Une telle mesure n’est possible que si les conditions sont clairement définies dans la loi, ce qui n’est pas le cas à ce jour.
(5A_407/2019 du 28.10.2019)
Le cumul d’actions au sens de l’art. 90 CPC est possible même lorsque les prétentions ont fait l’objet de deux requêtes de conciliation séparées. La notion de consignation de loyer, au sens de l’art. 243 al. 2 CC, doit se comprendre de manière large. Les litiges concernant la consignation de loyer, au sens de cette disposition, englobent tous les droits qui sont liés à des défauts de la chose louée invoqués dans le cadre d’une procédure de consignation.
(4A_182/2019 du 4.11.2019)
Droit pénal
Le TF précise la jurisprudence relative à la clause de rigueur en matière d’expulsion. La question de savoir si une personne serait dans une situation personnelle grave en cas d’expulsion, parce qu’elle est «née ou a grandi en Suisse» ne se détermine ni sur la base de stricts critères d’âge ni au regard d’une certaine période de présence qui impliquerait automatiquement l’admission d’un cas de rigueur. L’examen de la clause de rigueur doit davantage se faire au cas par cas, en se fondant sur les critères d’intégration courants. En l’espèce, la clause de rigueur n’est pas admise s’agissant d’un Chilien âgé de 28 ans, arrivé en Suisse à l’âge de 13 ans.
(6B_690/2019 du 4.12.2019)
Le TF confirme l’acquittement de 12 personnes accusées de soutien et/ou de participation à une organisation criminelle pour avoir, depuis la Suisse, soutenu financièrement l’organisation tamoule «Liberation Tigers of Tamil Eelam» (LTTE). Si ce mouvement a certes commis des attaques terroristes, ses objectifs directs comptaient plutôt la conduite d’une lutte armée conventionnelle, l’administration quasi étatique d’un territoire et la reconnaissance de l’indépendance de la communauté ethnique. Vu l’ampleur et la diversité des tâches non criminelles exercées par le mouvement LTTE, on pouvait difficilement affirmer qu’une personne collectant des fonds à son profit pouvait partir du principe que son comportement servait directement un objectif criminel. Il n’était pas prévisible pour les prévenus que leurs activités pourraient porter atteinte à l’art. 260ter CP, et une condamnation à cet égard aurait violé le principe de la légalité.
(6B_383/2019 et 6B_394/2019 du 8.11.2019)
Selon l’art. 97 al. 3 CP, le délai de prescription est interrompu lorsqu’un jugement de première instance est rendu avant son échéance. Lorsqu’un jugement est rendu par défaut et qu’une demande de nouveau jugement est admise, le jugement par défaut est annulé, de même que l’interruption de la prescription qu’il avait provoquée.
(6B_389/2019 du 28.10.2019)