Droit constitutionnel et administratif
Le Tribunal cantonal fribourgeois est tenu d’accepter un mémoire en allemand même si la langue de la procédure est le français. En l’espèce, le Tribunal cantonal n’était pas entré en matière sur le recours d’un locataire, qui avait refusé de procéder en français. Ce faisant, les juges cantonaux ont restreint d’une manière disproportionnée le droit fondamental du recourant à agir dans la langue cantonale officielle de son choix. Par ailleurs, aucun intérêt public ne justifie d’interdire à une partie d’utiliser sa langue maternelle devant le Tribunal cantonal, lorsqu’elle constitue l’une des langues officielles du canton. Le TF annule la décision de non-entrée en matière du Tribunal cantonal.
(4D_65/2018 du 15.7.2019)
Si l’établissement d’un profil ADN sert au premier chef à identifier l’auteur d’une infraction, il peut aussi permettre, notamment, de prendre des mesures préventives permettant de protéger des tiers. Il peut par conséquent aussi être ordonné à l’encontre d’une personne déjà identifiée en présence d’indices sérieux et concrets montrant qu’elle est susceptible de commettre de nouvelles infractions, d’une certaine gravité, à l’avenir. Tel était le cas en l’espèce, où un homme accusé de dommage à la propriété et de lésions corporelles simples avait reconnu qu’il était enclin à causer des dommages dans des accès de rage suite à de petites contrariétés.
(1B_17/2019 du 24.4.2019)
En février 2015, le tableau «Isabelle d’Este», datant du XVIe siècle et qui pourrait être l’œuvre de Léonard de Vinci, a été séquestré par la police cantonale du Tessin sur demande des autorités italiennes. En 2017, l’Italie a condamné la propriétaire de l’œuvre à une peine privative de liberté de quatorze mois pour avoir exporté sans autorisation la toile vers la Suisse. Le TF admet le recours dirigé par la propriétaire contre le jugement du Tribunal pénal fédéral, qui avait accédé à la demande d’entraide judiciaire de l’Italie portant sur la remise de la toile. La mise en œuvre de cette assistance suppose que les faits de la demande d’entraide soient également punissables en Suisse (principe de «double incrimination»), condition qui n’est pas réalisée en l’espèce.
(1C_447/2018 du 13.5.2019)
Les atteintes générées par l’exploitation d’un centre pour requérants d’asile du canton de Saint-Gall n’ont pas atteint une intensité permettant de fonder un droit à une indemnité pour expropriation des propriétaires voisins. La gêne causée n’était certes pas négligeable, mais elle n’a pas atteint une intensité qui aurait dépassé le seuil de l’acceptable.
(1C_435/2018 du 15.5.2019)
Droit civil
La détermination du for pour prononcer un avis aux débiteurs (art. 339 al. 1, 23 al. 1 ou 26 CPC) dépend avant tout de la nature de l’objet du litige. Pour désigner le for, le législateur utilise différents critères de rattachement. Le fait que le demandeur soit économiquement plus faible constitue l’un des motifs pouvant justifier de s’écarter du for du domicile du défendeur. Pour protéger le créancier d’entretien, vu comme la partie faible, le législateur voulait supprimer toute barrière juridique, en lui permettant notamment de saisir le tribunal de son domicile. Comme cette possibilité n’est pas offerte par l’art. 339 CPC, le for d’une action indépendante pour l’avis au débiteur doit être déterminé conformément aux art. 23 al. 1 ou 26 CPC.
(5A_479/2018 du 6.5.2019)
Droit pénal
Le défaut de traduction d’une ordonnance pénale condamnant une personne de langue étrangère et analphabète pour avoir séjourné illégalement en Suisse ne constitue pas un motif de nullité absolue lorsque le condamné ne requiert pas la traduction de l’ordonnance et ne se renseigne pas au sujet de son contenu. En l’espèce, par ailleurs, les reproches soulevés à l’encontre du recourant, ainsi que leur portée, lui avaient été expliqués par un interprète au cours de la procédure.
(6B_517/2018 du 24.4.2019)
Après s’être séparée de son mari, une femme avait accédé à de multiples reprises au compte courriel de ce dernier. Elle avait trouvé par hasard son mot de passe sur une carte qu’il avait laissée sur un bureau dans l’ancien appartement conjugal. C’est à raison que la justice argovienne l’a condamnée à une peine pécuniaire avec sursis et à une amende pour accès indu à un système informatique. L’accès indu à un compte courriel appartenant à autrui, protégé par un mot de passe, est punissable quelles que soient les circonstances qui en entourent l’obtention. L’oubli de la carte par le mari ne pouvait valoir consentement de sa part à un accès à son compte courriel.
(6B_1207/2018 du 17.5.2019)
Droit des assurances sociales
La mesure selon laquelle les étrangers bénéficiant d’une rente AI en Suisse n’ont pas droit à des mesures de réinsertion s’ils ne vivent pas et ne travaillent pas en Suisse ne viole pas l’interdiction de discrimination prévue par l’Accord sur la libre circulation des personnes. En l’espèce, un Portugais avait obtenu une rente partielle en 2000, après avoir travaillé durant près de vingt ans en Suisse. Quatre ans plus tard, il était retourné dans son pays. En 2014, l’Office AI pour les assurés résidant à l’étranger a supprimé la rente et refusé les mesures de réinsertion demandées, en faisant valoir qu’en raison de son départ, l’homme n’était plus soumis à l’assurance invalidité. Selon le TF, la Confédération est autorisée à limiter le droit à des mesures de réintégration aux personnes soumises à l’assurance invalidité suisse, et cette restriction est justifiée par des considérations objectives.
(9C_760/2018 du 17.7.2019)
Depuis qu’elle est devenue paraplégique, une femme a été assistée à son domicile par son mari. Par la suite, ce dernier a été engagé par un service d’aide et de soins à domicile en qualité de proche aidant. Le service, reconnu par le canton, a déposé une demande de prise en charge des coûts auprès de l’assurance maladie pour les soins apportés par le mari. La caisse n’a accepté de rembourser que les prestations relevant de l’évaluation, du conseil, de la coordination et des soins de base. Elle a en revanche refusé, à raison selon le TF, de prendre en charge les coûts relevant des examens et des traitements, au motif que l’époux ne disposait pas de la formation nécessaire.
(9C_187/2019 du 18.4.2019)
Une assurance maladie a refusé de prendre en charge les coûts de reconstruction d’un organe sexuel réalisée en Allemagne sur une patiente qui souhaitait changer de sexe, principalement au motif que l’opération n’avait pas été effectuée en Suisse. Le Tribunal administratif du canton de Schwyz a ordonné la prise en charge de cette intervention selon la LAMal. Le TF admet partiellement le recours de l’assureur et renvoie l’affaire pour complément d’instruction. Le type d’intervention en cause constitue une opération très complexe, qui n’est que rarement pratiquée en Suisse. L’opération ne devra être prise en charge par l’assurance que s’il s’avère que le risque encouru par la personne à être opérée en Suisse était trop important.
(9C_264/2018 du 8.5.2019)