Droit constitutionnel et administratif
L’enregistrement et la conservation des données secondaires de télécommunications (soit les données permettant de savoir qui a communiqué avec qui, d’où et pour quelle durée) sont licites. Elles constituent certes une atteinte aux droits fondamentaux des personnes concernées, en particulier au respect de la sphère privée, mais dont la gravité doit être relativisée. En effet, les données enregistrées ne se rapportent pas au contenu des communications, et elles ne sont ni examinées ni recoupées par les fournisseurs de services de télécommunications. En outre, les autorités de poursuite pénale ne peuvent y avoir accès qu’aux conditions strictes posées par le droit de procédure pénale.
(1C_598/2016 du 2.3.2018)
Selon l’art. 391 al. 2 CPP, l’autorité de recours ne peut modifier une décision au détriment du prévenu ou du condamné si le recours a été interjeté uniquement en leur faveur. Dans un arrêt de principe, le TF a considéré que cette interdiction n’est pas applicable à l’aggravation d’une mesure de traitement psychologique ambulatoire en mesure stationnaire.
(1B_136/2018 du 9.4.2018)
Droit civil
Une banque avait conclu un contrat de conseil en placement avec un client, qui impliquait notamment qu’elle puisse effectuer des transactions avec les montants déposés, sous réserve d’une approbation ultérieure du client. Suite à des pertes importantes, consécutives à des transactions qu’il n’avait pas autorisées, ce dernier a attaqué sa banque en justice. Le Tribunal de commerce du canton de Zurich a évalué le dommage en se fondant sur la perte globale du client, à tort selon le TF. Puisque la banque ne répond que du dommage causé par des actes contraires à ses obligations légales ou contractuelles, le client doit alléguer et prouver le dommage survenu séparément pour chaque transaction qu’il n’a pas autorisée.
(4A_586/2017 du 16.4.2018)
Selon l’article 715a CO, chaque membre du conseil d’administration d’une société anonyme a le droit d’obtenir des renseignements sur toutes les affaires de la société. En dehors des séances du conseil d’administration, chaque membre peut exiger des personnes chargées de la gestion des renseignements sur la marche de l’entreprise. Dans la mesure où cela est nécessaire à l’accomplissement de ses tâches, chaque membre peut demander au président la production des livres ou des dossiers. Dans un arrêt de principe, le TF a considéré que les membres du conseil d’administration peuvent faire valoir en justice ce droit à la fourniture de renseignements. La requête doit être traitée en procédure sommaire.
(4A_364/2017 du 28.2.2018)
Fin 2015, Swatch Group SA a interrompu la livraison à des grossistes de pièces de rechange pour les montres de Swatch Group. Une entreprise anglaise exigea la reprise des livraisons, sous menace d’une assignation en justice. Swatch Group a alors ouvert action devant le Tribunal de commerce du canton de Berne, en lui demandant de constater qu’elle n’avait aucune obligation de livrer et qu’elle ne devait rien à l’entreprise anglaise au titre de l’interruption des livraisons. Le TF modifie sa jurisprudence antérieure, en considérant qu’en matière internationale l’intention d’une partie de se procurer un for en Suisse dans la perspective d’un litige imminent constitue un intérêt suffisant pour le dépôt d’une action en constatation de droit négative.
(4A_417/2017 du 14.3.2018)
Droit pénal
L’expert mandaté pour effectuer une expertise psychiatrique doit en principe l’accomplir lui-même. Il ne peut notamment pas déléguer les tâches essentielles à sa réalisation. Il peut faire appel à d’autres personnes, comme les prévoient les art. 184 al. 2 let. b et 187 al. 1 CPP, mais il doit s’occuper suffisamment du cas pour se former sa propre opinion et pour que celle-ci transparaisse dans l’expertise. En l’espèce, l’expert avait consacré une demi-heure à l’examen de l’expertisé, sur un total de 4 heures 45, ce qui fut considéré par le TF comme à peine suffisant.
(6B_835/2017 du 22.3.2018)
Acquitté des accusations de faux dans les titres et d’infraction à la loi sur les étrangers, un homme s’est vu accorder une indemnité de 13 284 fr. pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure. Lorsque son conseil a requis le versement de l’indemnité sur son compte, l’autorité compétente l’a informé que ce montant serait compensé avec une peine pécuniaire et les frais judiciaires dus suite à une condamnation dans une autre procédure pénale, et que seul le solde de 6704 fr. lui serait versé. A raison selon le TF, qui considère que l’autorité de recouvrement est en droit de compenser même si les dettes et créances résultent de procédures pénales distinctes. La limitation prévue par l’art. 442 al. 4 CPP ne lui est pas applicable.
(6B_956/2017 du 18.4.2018)
Une personne condamnée par un jugement définitif dans une procédure distincte peut-elle être ultérieurement entendue comme témoin dans une procédure dirigée contre un autre participant à l’infraction? Tel est fondamentalement le cas selon le TF, en application par analogie des art. 162 ss CPP. Y font toutefois exception les cas dans lesquels il existe des indices indiquant qu’il n’est pas exclu que la personne à entendre, au-delà de ce qui a été retenu contre elle dans sa première condamnation, puisse s’avérer être soit l’auteur des faits à élucider ou d’une infraction connexe, soit un participant à ces actes. Elle doit alors être entendue en qualité de personne appelée à donner des renseignements au sens de l’art. 178 al. 1 let. d CPP. La décision sur le rôle de la personne entendue dépend de la situation de fait et de droit au moment de l’audition.
(6B_171/2017 du 15.2.2018)
Lorsqu’une infraction n’est poursuivie que sur plainte, toute personne lésée peut porter plainte contre l’auteur. En l’espèce, tel n’était pas le cas d’une conductrice qui avait emprunté le véhicule de sa mère. En route, elle avait eu une altercation avec un passant, qui avait donné un coup de poing dans le capot, lui occasionnant une bosse. Elle n’avait pas qualité pour déposer plainte, le dommage ne l’ayant en rien empêchée de poursuivre sa route, et sa responsabilité n’étant pas engagée à l’encontre de la propriétaire, puisqu’elle avait employé la chose de manière conforme à ses obligations au sens de l’art. 306 CO.
(6B_428/2017 du 16.3.2018)
Droit des assurances sociales
Lors de l’adaptation de positions tarifaires Tarmed, le Conseil fédéral peut réduire linéairement le nombre de points de différentes prestations et tenir compte d’aspects politiques. En 2014, il a réduit linéairement de 8,5% le nombre de points de certaines prestations techniques. Considérant que l’ordonnance du Conseil fédéral était contraire au droit, et donc inapplicable, une clinique lucernoise a demandé à une caisse-maladie de prendre en charge, à l’ancien tarif, différentes prestations qu’elle avait dispensées. Le tribunal arbitral compétent du canton de Lucerne a donné raison à la clinique. Le TF admet le recours de la caisse-maladie et annule le jugement attaqué.
(9C_476/2017 du 29.3.2018)