Droit constitutionnel et administratif
Le Tribunal administratif fédéral doit renoncer, en règle générale, à percevoir des avances de frais dans le cadre de recours déposés par des requérants d’asile mineurs non accompagnés. La pratique actuelle en vigueur, consistant à exiger des avances de frais dans de telles situations, restreint de manière inadmissible l’accès à la justice. Selon l’art. 63 al. 4 PA, l’autorité de recours peut renoncer à percevoir une avance de frais si des motifs particuliers le justifient. Tel est, en règle générale, le cas dans les procédures d’asile concernant des requérants mineurs non accompagnés. La procédure d’asile ne relève pas de mécanismes portant sur des bagatelles. Les enjeux qui en résultent ont trait au respect de l’intégrité tant physique que psychique des personnes concernées, respectivement à leur droit à la dignité, voire même à la vie.
(12T_2/2016 du 16.10.2017)
Le TF confirme l’assignation à résidence prononcée à l’encontre d’un ressortissant éthiopien dont la demande d’asile avait été définitivement rejetée en 2015, et qui n’avait pas quitté la Suisse. Selon les juges, il faut partir du principe qu’un retour volontaire en Ethiopie est possible et que les autorités éthiopiennes délivreront, le cas échéant, les documents de voyage nécessaires. Il ressort de l’interprétation de la loi qu’une assignation à résidence selon l’art. 74 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers est inappropriée pour poursuivre son but seulement lorsque tant un renvoi qu’un départ volontaire sont objectivement impossibles. L’esprit et le but de l’assignation à résidence consistent en ce que la décision de renvoi exécutoire soit mise en œuvre et que l’ordre légal soit ainsi rétabli.
(2C_287/2017 du 13.11.2017)
Droit civil
Un cheval de loisir gardé dans une écurie à quelques kilomètres de l’habitation du détenteur et dont la prise en charge est assurée au quotidien par le détenteur ou sa famille, comme s’il s’agissait d’un animal domestique vivant dans la maison ou à proximité immédiate, doit être qualifié d’animal «qui vit en milieu domestique» au sens des art. 42 al. 3 CO (remboursement des frais de traitement en cas de dommage) et 43 al. 1bis CO (réparation selon la valeur affective). Le critère de la proximité géographique entre le détenteur et l’animal est donc secondaire par rapport à celui du lien affectif.
(4A_241/2016 du 19.9.2017)
Lorsque le règlement d’une PPE stipule que les appartements sont destinés uniquement à l’habitat ou à une utilisation comme «bureau calme, sans va-et-vient de clients», les propriétaires n’ont pas à tolérer que deux unités de PPE soient reliées de manière à constituer un appartement de huit pièces et demie, loué à une société privée proposant des chambres à des aînés, avec surveillance et soins. Selon le TF, l’exploitation d’un home médicalisé n’est, en l’espèce, pas compatible avec la vocation d’habitation prévue dans le règlement. La modification du type d’utilisation nécessite une révision du règlement, adoptée par une décision de la communauté des copropriétaires.
(5A_521/2017 du 27.11.2017)
Droit pénal
Celui qui commet un excès de vitesse atteignant l’un des seuils de l’art. 90 al. 4 LCR (par exemple 40 km/h pour une vitesse limitée à 30 km/h ou 50 km/h pour une vitesse limitée à 50 km/h) doit être puni d’une peine d’emprisonnement d’un à quatre ans. Dans ces cas, il faut partir du principe que le conducteur a créé un grand risque d’accident pouvant entraîner des blessures graves ou la mort, et a ainsi réalisé le comportement de chauffard. Cette présomption peut toutefois être renversée en cas de circonstances exceptionnelles, en particulier lorsque la limitation de vitesse n’avait pas pour objet la sécurité routière, mais, temporairement, des motifs écologiques.
(6B_24/2017 du 13.11.2017)
Une partie plaignante a-t-elle pris part à la procédure devant l’autorité précédente, au sens de l’art. 81 al. 1 let. a LTF, lorsqu’elle n’y a présenté aucune demande, par exemple de rejet de l’appel du prévenu? La renonciation de la partie plaignante, défenderesse en procédure d’appel, à être présente (après avoir été exemptée) aux débats oraux d’appel ou à présenter des requêtes ne doit pas être considérée comme une indifférence à l’issue de la procédure, mais plutôt comprise comme le fait que la partie concernée s’en tient aux demandes formulées en première instance et requiert implicitement la confirmation du jugement rendu. Dans un tel cas, la partie concernée dispose de la qualité pour recourir au TF au sens de l’art. 81 LTF.
(6B_888/2017 du 25.10.2017)
Concernant la problématique de la confrontation dans le cadre d’une procédure pénale, les intérêts de la défense et ceux de la victime doivent être mis en balance, et il faut dans chaque cas d’espèce examiner quelle manière de procéder et quelles mesures de substitution peuvent entrer en ligne de compte pour garantir, autant que possible, le respect des droits de la défense et des intérêts de la victime. Le tribunal jouit, dans ce cadre, d’une certaine marge de manœuvre dans le choix des mesures qu’il peut adopter pour protéger la victime. Lorsqu’on ne peut raisonnablement imposer une confrontation directe à la victime, et que le prévenu doit quitter la salle pendant son audition, la réalisation d’un enregistrement vidéo n’est pas impérative. Dans le cas d’espèce, l’accusé pouvait entendre l’interrogatoire depuis une autre pièce, poser des questions complémentaires par l’intermédiaire de son défenseur, puis prendre position. Il avait ainsi suffisamment d’occasions de remettre en cause la véracité des allégations de la victime.
(6B_800/2016 du 25.10.2017)
Le TF confirme sa jurisprudence selon laquelle une rémunération forfaitaire de l’avocat commis d’office n’est pas en soi interdite. Une telle rémunération viole cependant les garanties constitutionnelles lorsqu’elle ne prend absolument pas en compte les circonstances concrètes du cas d’espèce et qu’elle ne se trouve plus dans un rapport raisonnable avec les services rendus par l’avocat. Dans chaque cas, il faut donc vérifier l’adéquation de la rémunération forfaitaire aux circonstances concrètes.
(6B_1252/2016 du 9.11.2017)
Le TF a répondu à la question, jusque-là laissée ouverte, de savoir si, lorsqu’est prononcée une peine assortie d’un sursis partiel, le délai d’épreuve court dès le début de l’exécution de la sanction ou seulement dès la libération. Selon les juges fédéraux, la durée de la peine ferme prolonge d’autant le délai d’épreuve.
(6B_257/2017 du 9.11.2017)
Droit des assurances sociales
Le TF modifie sa pratique lors de l’examen du droit à une rente AI en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d’examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d’une procédure structurée d’administration des preuves à l’aide d’indicateurs, s’applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. Pour les dépressions légères à moyennes en particulier, cela a pour conséquence que le critère de «résistance à la thérapie» comme condition pour obtenir une rente AI n’a plus la même importance. La question déterminante est de savoir, comme pour les autres maladies psychiques, si la personne concernée peut objectivement apporter la preuve d’une incapacité de travail et de gain invalidante.
(8C_841/2016 et 8C_130/2017 du 30.11.2017)