Droit constitutionnel et administratif
L’art. 25 al. 4 de la nouvelle loi zougoise sur la protection des monuments (Denkmalschutzgesetz, DMSG) viole la Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l’Europe (dite Convention de Grenade) de 1985. Selon cette disposition, les objets locaux de moins de 70 ans ne peuvent pas être placés sous protection contre la volonté de leur propriétaire. Bien que l’éligibilité à la protection n’apparaisse souvent qu’avec l’écoulement du temps, il arrive qu’une construction soit digne de protection après une courte période de temps. Dans des cas exceptionnels, cela peut s’appliquer aux monuments locaux, et pas seulement nationaux ou régionaux. La règle, en vertu de laquelle la protection dépend toujours du consentement des propriétaires, semble incompatible à la Convention de Grenade.
(1C_43/2020 du 1.4.2021)
Il y a dix ans, la Commission de la concurrence a sanctionné les entreprises qui avaient conclu des accords ayant conduit à la suppression d’une concurrence efficace dans le canton d’Argovie au sens de l’article 5 de la loi sur les cartels. Les accords portaient sur des appels d’offre publics et privés. Le canton d’Argovie a demandé à la Commission de la concurrence l’accès aux dossiers de procédure dans lesquels il était impliqué en tant que client. Alors que la Commission de la concurrence a accordé l’accès, le Tribunal administratif fédéral l’a refusé sur la base de la loi sur la protection des données. Dans un arrêt complet, le TF démontre que la loi sur la protection des données ne s’oppose pas à ce que le canton d’Argovie prenne connaissance des dossiers.
(2C_1040/2018 et 2C_1051/2018 du 18.3.2021)
Le TF ordonne la destruction du profil ADN et des empreintes digitales de trois militants pour le climat qui ont participé au blocus d’une banque à Bâle en juillet 2019. Ils étaient soupçonnés d’avoir inscrit des slogans autour de l’immeuble avec du charbon, masqué des caméras de surveillance et bloqué les entrées.Selon le TF, les mesures prises par le Ministère public s’avèrent disproportionnées au regard de l’ensemble des circonstances, en l’absence d’indices importants et concrets d’infractions d’une gravité suffisante. Le rassemblement en question s’est déroulé de façon pacifique et est protégé par la liberté d’expression et de réunion. L’enregistrement systématique des personnes politiquement actives qui font usage de leurs droits fondamentaux n’est pas dans un rapport raisonnable avec les objectifs poursuivis par la création de profils ADN et la saisie des données signalétiques.
(1B_285/2020, 1B_286/2020, 1B_287/2020, 1B_293/2020 et 1B_294/2020 du 22.4.2021)
Selon l’art. 122 de la loi sur le Tribunal fédéral, la révision d’une décision du TF peut être demandée si la Cour européenne des droits de l’homme constate dans un arrêt définitif que la CEDH a été violée. Le TF considère que ces conditions sont remplies dans une affaire où le canton de Zurich, puis les juges fédéraux, n’avaient pas accordé l’autorisation de mener une procédure pénale contre cinq policiers. Dans cette affaire, un homme suicidaire avait été enfermé dans une cellule de détention et s’y était pendu. L’autorisation d’ouvrir une procédure pénale pour homicide par négligence doit être accordée.
(1F_29/2020 du 27.4.2021)
Selon l’art. 19 al. 2 CPP, la Confédération et les cantons peuvent prévoir qu’un juge unique statue en première instance dans certains domaines. Le juge unique peut prononcer des peines privatives de liberté limitées à deux ans. Plusieurs cantons ont fait un usage modéré de cette compétence, considérée comme trop large par la doctrine. Le TF demande désormais une application restrictive de cette disposition: il précise que la limite de deux ans doit être appliquée strictement et «ne doit en aucun cas être dépassée».
(1B_370/2020 du 10.5.2021)
Droit civil
Le TF précise sa jurisprudence relative à la question du fardeau de la preuve du caractère abusif du loyer initial d’une habitation située dans un immeuble ancien (loyers usuels du quartier ou de la localité). En cas de contestation du loyer initial, le locataire doit, en principe, prouver que celui-ci est abusif. Le loyer est présumé abusif lorsqu’il a été massivement augmenté par rapport au loyer précédent, soit de plus de 10 %. Cette présomption peut être affaiblie par le bailleur s’il parvient, au moyen d’indices, à éveiller des doutes fondés quant à sa véracité. Dans ce cas, les exigences en matière de preuve stricte du caractère abusif du loyer initial s’appliquent. Si le juge parvient à la conclusion que le bailleur est parvenu à affaiblir la présomption relative à l’augmentation massive par rapport au loyer précédent, la présomption est levée. Il incombe dès lors au locataire d’apporter la preuve stricte que l’augmentation du loyer est effectivement abusive.
(4A_183/2020 du 6.5.2021)
Droit pénal
C’est à juste titre que la justice zurichoise a refusé la libération conditionnelle de l’internement à un homme de 74 ans, condamné pour actes d’ordre sexuel avec des enfants. Le TF rejette sur ce point son recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Zurich. L’âge du condamné ne peut pas justifier la libération conditionnelle au regard des risques de récidive.
(6B_124/2021 du 24.3.2021)
Il s’agit d’un arrêt de principe sur l’erreur sur les faits. Un homme schizophrène se croit persécuté par des esprits et blesse plusieurs personnes avec une tronçonneuse en juillet 2017. Le TF confirme le jugement de la justice schaffhousoise, qui l’avait condamné pour tentatives d’assassinat et ordonné un traitement stationnaire vu son irresponsabilité. Selon le TF, celui qui agit sous le coup d’une représentation erronée des faits due à une maladie mentale ne commet pas une erreur sur les faits au sens de l’art. 13 al. 1 CP.
(6B_1073/2020 du 13.4.2021)
Les douze activistes du climat qui avaient occupé les locaux d’une succursale bancaire à Lausanne, en novembre 2018, et condamnés pour violation de domicile, n’ont pas agi en état de nécessité. En l’espèce, l’existence d’un «danger imminent» de l’article 17 CP doit être niée. Cette disposition ne vise pas à éviter toute sanction à un auteur qui estime devoir agir pour sauvegarder ce qu’il considère comme un intérêt légitime ou supérieur. Il s’agit plutôt d’une situation concrète dans laquelle l’auteur se voit par hasard confronté à un danger devant se concrétiser à brève échéance. Au moment de l’action, il n’existait pas de danger actuel et imminent au sens de cette disposition. En outre, l’action ne visait pas à protéger un bien juridique individuel et concret.
(6B_1295/2020 du 26.5.2021)
Droit des assurances sociales
L’article 12 al. 2 de la loi sur l’assurance-vieillesse et survivants prévoit que tous les employeurs disposant d’un établissement stable en Suisse sont tenus de payer des cotisations. Pour le TF, il est clair qu’il ne peut y avoir plus d’un débiteur de cotisations, et que l’obligation de cotiser incombe exclusivement à l’employeur. Le Tribunal administratif du canton de Zurich a établi, de manière contraignante pour le TF, que Uber Switzerland GmbH n’est pas l’employeur des chauffeurs UberPop. Cette société ne peut donc être recherchée pour les éventuelles cotisations aux assurances sociales pour les chauffeurs Uber. La question de savoir si les chauffeurs exercent une activité lucrative au sens du droit de l’AVS et s’ils doivent être qualifiés d’indépendants ou de salariés est laissée ouverte et devra être tranchée par le Tribunal administratif dans une autre affaire pendante.
(9C_692/2020 du 29.3.2021)