Droit constitutionnel et administratif
Le TF admet partiellement le recours d’un journaliste arrêté et interrogé de manière systématique à son entrée dans l’Espace Schengen depuis près de deux ans. L’intéressé avait demandé en vain à l’Office fédéral de la police (fedpol) des informations au sujet de son signalement dans le système d’information Schengen. Pour fonder un refus de fournir des renseignements, fedpol ne peut pas se contenter de l’avis défavorable de l’Etat signalant et doit obtenir des informations complémentaires. En fin de compte, des mesures d’instruction complémentaires de l’Office sont nécessaires lorsque des professionnels des médias font l’objet d’un signalement et qu’il ne peut d’emblée être exclu que le système Schengen soit détourné de manière abusive à des fins de surveillance.
(1C_597/2020 du 14.6.2021)
Droit civil
L’art. 54 al. 4 CPC ne s’oppose pas à la publicité des jugements en droit de la famille. Les arrêts doivent pouvoir être consultés au greffe, le requérant étant en droit de recevoir une copie anonymisée sur demande. Un émolument peut être perçu, pour autant qu’il ne soit pas excessif. En règle générale, l’anonymisation permet de répondre aux besoins de protection de la personnalité, même dans un petit canton, comme Zoug. Si la pratique du Tribunal cantonal zougois de ne pas publier systématiquement sa jurisprudence est en soi compréhensible, elle impacte lourdement sur le travail à fournir en cas de demande d’accès particulier. Le TF exclut l’argument du canton. Se fonder sur une charge de travail prétendument disproportionnée ne saurait justifier la limitation d’accès aux jugements.
(1C_307/2020 du 16.6.2021)
Un litige portant sur la violation d’un brevet illustre les difficultés inhérentes à l’application des garanties procédurales au sens l’art. 30 Cst. dans des tribunaux spécialisés composés majoritairement de juges à temps partiel. Cette problématique est d’autant plus importante pour le Tribunal fédéral des brevets. Peu de juges y sont éligibles en raison de la spécialisation requise. Par ailleurs, plusieurs d’entre eux n’occupent leur poste qu’à temps partiel, l’exercice d’autres fonctions liées au droit des brevets en étant la cause. De ce fait, les motifs de récusation ne doivent pas être admis de manière trop large, et les circonstances objectives doivent revêtir une certaine intensité.
(4A_232/2021 du 30.8.2021)
Entrée en vigueur il y a près de trois ans, la lettre d de l’art. 8a al. 3 LP a été introduite afin de minimiser le risque de porter à la connaissance de tiers des poursuites injustifiées. Elle prévoit que les offices ne doivent pas porter à la connaissance de tiers les poursuites pour lesquelles une demande du débiteur est introduite après l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la notification du commandement de payer. Ce «droit à l’oubli» est conditionné: il s’éteint si le créancier prouve qu’une procédure d’annulation de l’opposition a été engagée à temps, dans un délai de 20 jours. Dans trois arrêts, le TF précise la portée de cette disposition. L’art. 8a al. 3 let. d LP n’est pas applicable si le créancier a requis la mainlevée de l’opposition sans obtenir gain de cause, même après la péremption du droit de continuer la poursuite. D’autre part, le paiement de la créance ne permet pas d’obtenir que la poursuite ne soit pas communiquée.
(5A_656/2019 du 22.6.2020, 5A_701/2020 du 23.7.2021 et 5A_927/2020 du 23.8.2021)
La pension alimentaire de l’ex-épouse et des enfants doit en principe être couverte par les revenus courants du travail et de la fortune. Exceptionnellement, la substance même de la fortune peut être utilisée si les revenus sont insuffisants pour couvrir l’entretien. La question de savoir si et dans quelle mesure les actifs doivent être utilisés s’apprécie en fonction des circonstances du cas d’espèce. Le TF considère qu’il n’était pas admissible d’obliger un chômeur ayant hérité d’une fortune de 4,2 millions de francs de couvrir des frais d’entretien correspondant au dernier standard de vie commune, les biens acquis par héritage ne pouvant en principe pas être utilisés pour assurer l’entretien des bénéficiaires.
(5A_582/62018 et 5A/588/2018 du 1.7.2021)
Droit pénal
Lorsqu’une autorité décide de lever de manière anticipée une mesure thérapeutique prononcée en vertu de l’art. 59 CP qu’elle l’estime vouée à l’échec, elle reste tenue de respecter toutes les garanties procédurales fédérales. En particulier, elle doit statuer de manière collégiale et non par un juge unique.
(6B_764/2021 du 18.8.2021)
Un couple marié a été victime d’un brigandage. Durant l’enquête de police, l’épouse a faussement indiqué qu’elle avait conduit le véhicule avant l’infraction. Le conducteur était en réalité le mari, alors en état d’incapacité. Entendue en qualité de témoin par le Ministère public dans le cadre d’une procédure pénale dirigée contre son mari pour conduite en état d’incapacité, elle a réitéré son mensonge. C’est à tort que la justice zurichoise l’a condamnée pour faux témoignage. Etant déjà soupçonnée d’entrave à l’action pénale en faveur de son mari au moment de l’interrogatoire, elle n’aurait pas dû être entendue en tant que témoin mais en tant que personne appelée à donner des renseignements. Elle n’avait donc pas le devoir de dire la vérité.
(6B_1022/2020 du 2.6.2021)
Un interrogatoire systématique des témoins sur d’éventuelles poursuites pénales antérieures contre l’administration de la justice n’a pas toujours lieu d’être. Un tel interrogatoire ne doit avoir lieu qu’avec retenue et dans la mesure nécessaire. Le critère déterminant est la crédibilité du témoignage spécifique et non la crédibilité générale du témoin. Si les déclarations concrètes doivent être qualifiées de crédibles parce qu’elles sont en elles-mêmes cohérentes, qu’elles présentent des critères de véracité et qu’elles sont confirmées par des déclarations identiques d’autres témoins ainsi que par d’autres preuves circonstancielles, un tel interrogatoire est inutile, sous réserve d’une éventuelle collusion entre les témoins.
(6B_323/2021 du 11.8.2021)
Droit des assurances sociales
Des suites des mesures prises par le Conseil fédéral contre le coronavirus, un lupanar est resté fermé près de trois mois dans le canton de Thurgovie. Selon le TF, les travailleuses du sexe étrangères qui y travaillaient en tant qu’employées et enregistrées en Suisse selon la procédure d’annonce n’ont pas droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) en lien avec le coronavirus. Dans le cas de travailleurs enregistrés selon la procédure d’annonce, il n’y a pas de véritable contrat de travail, et il faut plutôt partir du principe que la quasi-intégralité du travail est effectuée sur appel du client. Le TF précise en outre que l’indemnité en cas de RHT n’a pas pour but de couvrir la perte de chiffre d’affaires de l’entreprise, mais de maintenir les emplois.
(8C_17/2021 du 20.5.2021)
Selon l’art. 23 al. 1 LAVS, les veuves et les veufs ont droit à une rente s’ils ont un ou plusieurs enfants, au décès de leur conjoint. Selon les al. 4 et 5, le droit s’éteint (notamment) par le remariage, puis renaît en cas d’annulation du mariage ou de divorce. En cas de remariage, le droit ne peut renaître qu’après la dissolution du second mariage par annulation ou par divorce. Si d’autres mariages sont contractés par la suite, puis dissous, le droit ne peut plus renaître.
(9C_763/2020 du 2.7.2021)