Droit constitutionnel et administratif
La suppression de l’aide sociale, justifiée par le refus de la personne concernée de collaborer afin d’évaluer sa situation financière, doit être prononcée, en raison de son caractère incisif, dans une décision formelle soumise aux voies de droit ordinaires. En l’espèce, dans une affaire neuchâteloise, l’autorité avait simplement cessé de verser l’aide sociale, sans respecter quelque formalité que ce soit. Ce n’est que plusieurs mois plus tard que deux décisions formelles, supprimant l’aide sociale avec effet rétroactif, avaient été rendues. Selon le TF, cette manière de procéder n’est pas admissible.
(8C_307/2022 du 4.9.2023)
En 2020, l’Université de Zurich a adopté une nouvelle ordonnance disciplinaire prévoyant notamment, parmi les mesures disciplinaires, des sanctions pouvant aller jusqu’à 4000 francs. L’association des étudiants a porté l’affaire devant le tribunal administratif et a obtenu gain de cause. Le TF rejette le recours de l’université: la Constitution zurichoise prévoit que les règles importantes doivent figurer dans une loi au sens formel. Tel est le cas des mesures disciplinaires en cause, des amendes de plusieurs milliers de francs, qui ne peuvent être qualifiées de légères, vu les conséquences économiques radicales pour les étudiants.
(2C_694/2021 du 8.9.2023)
Les autorités migratoires ont ordonné une détention en phase préparatoire d’une durée de sept semaines dans le cadre de la procédure Dublin à l’encontre d’un Marocain entré illégalement en Suisse et frappé d’une interdiction d’entrée en Italie et aux Pays-Bas. À cette occasion, l’homme a déclaré qu’il renonçait à un contrôle judiciaire de la détention. Deux semaines plus tard, sa représentante juridique a demandé sans succès un réexamen de la détention. Le contrôle judiciaire d’une détention qui n’a pas été ordonnée par un tribunal est un droit procédural fondamental protégeant la liberté personnelle. Le fait que l’homme ait renoncé à un contrôle judiciaire en cochant la question correspondante ne signifie pas qu’il ait renoncé durablement à ce droit. Les autorités migratoires auraient dû en conséquence entrer en matière sur la demande de contrôle de la détention.
(2C_457/2023 du 15.9.2023)
Droit civil
Depuis quelques années, le TF retient, en matière d’entretien des enfants, la répartition de l’excédent selon les «grandes» et les «petites têtes». Selon cette règle, on entend par «grande tête» un parent et par «petite tête» un enfant, une «grande tête» se voyant attribuer une part d’excédent deux fois plus importante qu’une «petite tête». Lorsque les parents ne sont pas mariés et que l’enfant est placé sous la garde exclusive de l’un d’eux, l’excédent éventuel doit être réparti entre le débiteur et l’enfant. Au besoin, la part de l’excédent dévolue à l’enfant doit être limitée, afin d’éviter qu’il ne serve indirectement à l’entretien du parent qui s’occupe de lui.
(5A_668/2021 du 19.7.2023)
Une femme a rédigé un testament olographe sans le signer, puis l’a placé dans une enveloppe, sur laquelle elle a écrit à la main le mot «testament», ainsi que son nom, son prénom et le lieu de rédaction. L’enveloppe a ensuite été déposée auprès de l’autorité compétente en vue de sa conservation. Selon le TF, ces éléments ne sont en l’espèce pas suffisants pour remplir l’exigence formelle de signature de l’art. 505 al. 1 CC. Pour considérer que l’inscription présente sur l’enveloppe constitue la signature du de cujus, il faut que le lien entre l’enveloppe et le testament soit tel que le document contenu dans l’enveloppe puisse être considéré comme le début du testament et l’enveloppe comme la suite et la conclusion du testament.
(5A_133/2023 du 19.7.2023)
Le premier greffier, en tant que juge suppléant et référent (à titre accessoire), a rendu toutes les décisions dans le cadre d’une procédure ouverte devant le Tribunal d’arrondissement de Winterthour portant sur un montant de 360 000 francs. Par la suite, la plaignante a déposé une demande de récusation du greffier que le TF a rejetée en dernière instance, la demande ayant été déposée tardivement. S’agissant d’une demande de récusation contre un greffier statuant comme juge suppléant, le moment déclenchant le délai de l’art. 49 al. 1 CPC ne doit en principe pas être celui de l’appréciation juridique de la situation par le tribunal, mais celui où la partie a eu connaissance du motif de récusation.
(4A_299/2023 du 1.9.2023)
Droit pénal
La police a interpellé un motocycliste en flagrant délit pour excès de vitesse. Lors de la perquisition domiciliaire qui s’est ensuivie, elle a séquestré une caméra GoPro avec une carte SD. Cette dernière contenait des vidéos de son fils. Ces films comportaient des scènes où il commettait diverses infractions routières au volant de sa moto, dont certaines graves. La justice lucernoise a condamné ce dernier en raison des infractions ainsi découvertes à une peine privative de liberté de quatre ans et huit mois. Le TF admet partiellement son recours: il s’agissait en l’espèce d’une recherche indéterminée de moyens de preuves illicite (fishing expedition), et non d’une simple découverte fortuite.
La perquisition, illicite, n’était ni adéquate ni nécessaire à l’élucidation de l’infraction déjà suffisamment documentée. Rien n’indiquait en particulier, au moment de la visite domiciliaire, que des appareils d’enregistrement avaient été utilisés lors de la commission du délit de chauffard ou qu’une transmission en direct avait eu lieu. Se fondant sur la pondération des intérêts prévue à l’art. 141 al. 2 CPP, le TF admet toutefois que les moyens de preuves obtenus illégalement peuvent être exploités pour certaines des infractions qui constituent, au vu des éléments de faits concrets, des infractions graves au sens de cette disposition.
(6B_821/2021 du 6.9.2023)
Droit des assurances sociales
Il arrive régulièrement que des caisses-maladie ouvrent action contre des médecins en raison d’un manque répété de rentabilité et réclament le remboursement de montants versés à la charge de l’assurance obligatoire des soins. Selon la pratique en vigueur jusqu’à présent, les caisses avaient droit, dans de tels cas, au remboursement des dépens si elles obtenaient gain de cause. Le TF s’écarte de cette pratique, en raison de l’augmentation des procès depuis que les caisses-maladie sont devenues plus conscientes de ces problématiques de contrôle de rentabilité ainsi que du processus de concentration qui a entraîné une diminution du nombre de petits assureurs-maladie. Dorénavant, le médecin qui succombe ne pourra plus être contraint de prendre en charge les frais d’avocat de l’assurance-maladie.
(9C_259/2023 du 18.9.2023)
Le TF admet le recours d’une rentière partiellement invalide dont l’assurance-accidents a supprimé les prestations à sa charge une fois l’âge ordinaire de la retraite atteint. La lettre, la genèse, le contexte et l’interprétation téléologique de l’art. 21 al. 1 let. c LAA s’opposent dans l’ensemble à une limitation dans le temps en fonction de l’âge des prestations en faveur des bénéficiaires de rentes partiellement invalides.
(8C_620/2022 du 21.9.2023)