Droit constitutionnel et administratif
Un couple a acheté une ferme dans le canton du Jura nécessitant d’importants travaux de rénovation. Après la rénovation, ce dernier a requis la déduction des frais d’entretien d’un montant d’environ 51 000 francs. Or, tant l’autorité fiscale que les instances cantonales ont refusé de déduire ces frais. Le TF admet partiellement le recours, en modifiant sa jurisprudence confirmant des refus de déductions de travaux de rénovation qui, par leur ampleur, équivalaient économiquement à une nouvelle construction. Pour tous les travaux effectués sur un immeuble nouvellement acquis, il convient dorénavant de déterminer individuellement et objectivement s’ils servent à rétablir l’état antérieur et sont donc de nature à maintenir, et non à augmenter, sa valeur.
9C_677/2021 du 23.2.2023
Un homme domicilié en Argovie est propriétaire d’un terrain agricole d’une valeur fiscale de 151 francs sis dans le canton du Valais. C’est à tort que la commune compétente a prélevé pour l’année fiscale 2019 un impôt minimal de 25 francs au lieu de l’impôt foncier effectif de 1 pour mille de la valeur fiscale appliqué aux résidents. L’inégalité de traitement entre les résidents et les non-résidents n’est pas objectivement justifiable et est contraire à l’art. 8 al. 1 Cst. L’impôt foncier est un impôt purement immobilier, et le critère de résidence ne constitue donc pas un critère de délimitation pertinent.
2C_340/2022 du 20.3.2023
Le TF admet un recours dirigé contre la disposition adoptée à l’automne 2021 par le canton de Fribourg prévoyant que seules les personnes détentrices d’un certificat COVID-19 étaient admises à suivre l’enseignement en présentiel dans les hautes écoles du canton. Au moment du dépôt du recours, les personnes qui n’étaient ni vaccinées ni guéries devaient se soumettre à des tests COVID-19 payants pour obtenir le certificat, valable 48 (test rapide) ou 72 heures (test PCR). Faute de disposition prévoyant une aide financière pour la prise en charge de ces tests pour les étudiants disposant de moyens financiers limités, la restriction d’accès était disproportionnée. Le Conseil d’État du canton de Fribourg a récemment annoncé qu’il envisageait d’adresser une demande en révision au TF.
2C_810/2021 du 31.3.2023
Le TF rejette le recours formé contre l’interdiction des chauffages et boilers électriques dès 2030 acceptée par les électeurs du canton de Zurich en 2021. La nouvelle loi prévoit notamment que les contrevenants s’exposent à une amende pouvant aller jusqu’à 20 000 francs en cas d’infraction intentionnelle. Ces mesures sont compatibles avec la garantie de la propriété. Elles visent à assurer la protection de l’environnement, ainsi qu’un approvisionnement énergétique suffisant, et sont par conséquent d’intérêt public.
1C_37/2022 du 23.3.2023
Dans le cadre d’une procédure pénale pour contrainte contre deux activistes de l’organisation Extinction Rebellion, le Ministère public zurichois avait déposé une demande de récusation contre un juge de district, au motif qu’il avait donné l’impression, dans une procédure parallèle ayant abouti à un acquittement, qu’il prendrait des décisions similaires dans les cas futurs, sans tenir compte des circonstances des cas particuliers. Après que le tribunal cantonal avait admis la requête, les deux activistes ont recouru, avec succès, au TF. Dans le cadre d’une procédure de récusation, les parties adverses disposent de la qualité de partie et doivent pouvoir se déterminer sur la requête émanant de l’autre partie. Le juge récusé ne dispose quant à lui pas de la qualité pour recourir contre cette décision devant le TF.
1B_10/2023, 1B_643/2022 et 1B-645/2022 du 6.4.2023
Droit civil
Selon l’art. 74 al. 1 LP, le débiteur poursuivi qui entend former opposition doit en faire la déclaration immédiate à celui qui lui remet le commandement de payer ou à l’office dans les dix jours à compter de la notification du commandement de payer. La déclaration n’est pas soumise à une exigence de forme particulière. Elle peut s’effectuer par téléphone, par fax et même, comme vient de le décider le TF, par courriel. Toutefois, ces derniers sont soumis au principe de réception, et les risques de preuve sont importants. Compte tenu du manque de fiabilité des communications électroniques, il convient de demander une confirmation du destinataire. S’agissant du degré de preuve requis, le juge doit acquérir la certitude, au point de n’éprouver plus aucun doute sérieux. Le canton de Bâle-Campagne, dans le cadre d’une poursuite engagée contre lui pour un montant de 70 millions de francs, n’a pas pu apporter cette preuve, le courriel qu’il avait envoyé dans les délais étant introuvable auprès de l’office des poursuites.
5A_514/2022 du 28.3.2023
Droit pénal
Le TF annule l’expulsion d’une personne d’ethnie tibétaine. L’expulsion «vers un pays tiers, à l’exclusion de la République populaire de Chine» prononcée par le Tribunal cantonal vaudois viole le droit fédéral, dès lors que l’on ignore si l’intéressé pourrait effectivement s’établir dans un autre pays. Le tribunal cantonal a lui-même constaté que le recourant n’a pas de lien avec un autre pays que son pays d’origine et la Suisse.
6B_627/2022 du 6.3.2022
Le TF confirme la condamnation par la Cour de justice du canton de Genève de l’humoriste français Dieudonné pour discrimination raciale. Il ne peut pas se prévaloir de la liberté d’expression pour les propos négationnistes tenus en 2019 lors de spectacles à Nyon et à Genève. Au vu des circonstances d’espèce, il apparaît que ces propos ont été tenus dans un but discriminatoire et non humoristique, parodique ou satirique. Le spectacle comportait notamment diverses allusions évocatrices de l’état d’esprit de l’humoriste, et en particulier de son inclination à se moquer des victimes de l’Holocauste.
6B_777/2022 du 16.3.2023
Droit des assurances sociales
Le TF rejette les recours de quatre anciens militaires professionnels du Commandement des forces spéciales de l’Armée suisse dont les rapports de travail ont été résiliés en 2021 au motif qu’ils ont refusé de se faire vacciner contre le COVID-19. Les juges considèrent que l’obligation de vaccination imposée était proportionnée compte tenu de la nécessité de pouvoir détacher immédiatement les intéressés à l’étranger, et que les licenciements reposaient dès lors sur des motifs objectivement suffisants.
8C_327/2022, 8C_340/2022, 8C_351/2022 et 8C_362/2022 du 22.2.2023
Par analogie à l’obligation générale de verser des intérêts moratoires en vigueur en droit privé (art. 104 CO), il existe également en droit administratif un principe juridique général selon lequel le débiteur doit payer des intérêts moratoires s’il accuse un retard de paiement, sauf si la loi en dispose autrement. Ce principe s’applique également au droit de la prévoyance professionnelle. En ce qui concerne le montant, c’est toutefois le règlement qui est déterminant en premier lieu. En l’absence d’une réglementation correspondante, la disposition de l’art. 104 al. 1 CO, selon laquelle un intérêt moratoire de 5% est dû, est applicable. Il n’est pas admissible de ne pas accorder d’intérêts moratoires dans le règlement en cas de versement rétroactif de la rente. Il découle de l’idée de compensation qui sous-tend les intérêts moratoires que la réglementation de l’intérêt moratoire ne doit pas être inférieure au taux d’intérêt minimal LPP (qui est actuellement de 1%).
9C_165/2022 du 16.3.2023