Le système de l’assistance judiciaire gratuite repose, en Suisse, sur le calcul du minimum vital au sens de l’art. 93 LP. Par rapport au débiteur réduit au minimum vital en matière de poursuites, le requérant d’assistance judiciaire sans ressources ne se trouve mieux placé, pour l’essentiel, que sur deux points.
1) Il a droit à une majoration d’environ 20% sur le montant mensuel de base pour les dépenses vitales indispensables au sens des lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites (ce dernier étant de 1200 fr. pour une personne seule, 1350 fr. pour un parent seul, 1700 fr. pour un couple).
2) Si le requérant s’est constitué un peu de fortune, on lui laissera un montant à libre disposition, à titre de réserve pour les événements imprévisibles de la vie, qui varie, dans la pratique cantonale et selon les circonstances, de 5000 fr. à 20 000 fr.
Sur le plan du droit constitutionnel, le problème principal est que, selon cette méthode de calcul, une partie de la classe moyenne de la population est exclue de l’assistance judiciaire gratuite. Il s’agit de personnes vivant seules sans tierces personnes à charge, qui n’ont jamais eu de dettes et ont toujours payé leurs impôts. Car, selon les derniers chiffres publiés par l’enquête sur la structure des salaires (ESS 2012), le salaire médian brut de tous les secteurs de l’économie s’élève à 6118 fr., desquels, selon ESS 2010 (la statistique la plus récente sur ce point), il faut déduire, si l’on fait une moyenne de toutes les branches, 13,1% pour les contributions obligatoires aux assurances sociales, de sorte que le salaire médian net est de 5317 fr. Ainsi, un salarié moyen n’a accès à l’assistance judiciaire gratuite que s’il a une famille à charge, que sa femme n’a pas de salaire additionnel et qu’il n’a pas de fortune de plus de 10 000 fr. (Et même s’il en a une, le président du Tribunal cantonal zurichois a décidé récemment qu’une fortune de 9560 fr. ou d’environ 5000 fr. excluait l’assistance judicaire, ZR 2014 no 60 et 62).
Cette situation viole la garantie de l’accès au juge au sens de l’art. 29a Cst. ainsi que le droit fondamental à un procès équitable et à l’égalité des armes, selon l’art. 29 al. 1 Cst. et l’art. 6 ch.1 CEDH. On pense à la situation d’un lésé pas complètement dépourvu de ressources qui, dans les faits, ne peut pas faire valoir ses prétentions vis-à-vis d’une société d’assurances refusant de passer à la caisse, parce qu’il doit prendre le risque de se ruiner financièrement, ainsi que sa famille, au cas où il perdrait son procès.
Dans un arrêt du 10 avril 2014 (ATF 140 III 12 ss.), la 1re Cour de droit civil du TF a décidé que, pour l’administration des preuves à futur selon l’art. 158 al. 1 lit. b CPC, l’assistance judiciaire gratuite est généralement exclue. Cette décision viole clairement le droit fondamental de procédure à l’assistance judiciaire gratuite selon l’art. 29 al. 3 Cst., de même que le principe d’équité et d’égalité des armes (art. 29 al. 1 Cst., art. 6 ch. 1 CEDH). Cet arrêt représente un changement inadmissible de jurisprudence, sans procédure de consultation au sens de l’art. 23 LTF, car, depuis plus de vingt ans (ATF 119 Ia 264 c. 3a p. 265), il existe un droit à l’assistance judiciaire gratuite pour chaque procédure publique dans laquelle le demandeur est impliqué, quand il en a besoin pour la défense de ses droits. Cette jurisprudence découlait déjà exclusivement de l’ancienne Constitution (art. 4a Cst.).