Cette proposition de modification de loi fait suite à la motion du 2 mars 2021 de Julien Eggenberger. Le député socialiste au Grand Conseil relevait très justement que «ces pratiques sont d’une extrême violence et ne sauraient entrer dans le cadre de la liberté d’expression ou dans celle de la liberté de conscience et de religion tant qu’elles induisent de la souffrance». D’autres cantons suivront l’exemple vaudois prochainement, à l’instar du canton de Genève. Malgré ces avancements, le Conseil fédéral s’est opposé à maintes reprises à une pénalisation des thérapies de conversion alors qu’une initiative déposée par le canton de Bâle-Ville demande une interdiction de ces pratiques à l’échelon fédéral (initiative 22.311, déposée le 7 juin 2022).
Une pratique interdite dans d’autres États
La France a tout récemment légiféré pour pénaliser les thérapies de conversion. Ainsi, la loi du 31 janvier 2022 punit «les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale»2. Nos voisins français ne sont pas les seuls à pénaliser les thérapies de conversion: l’Allemagne, notamment, a franchi le pas en 2020.
Combat à l’échelle internationale
En 2018, le Parlement européen a adopté une motion appelant les États membres à interdire ces thérapies de conversion. Bien que non contraignante, cette motion envoie un signal clair aux personnes pratiquant de telles «thérapies».
En 2020, l’expert indépendant de l’ONU sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, Victor Madrigal-Borloz, a déclaré que ces pratiques peuvent être assimilées à des actes de torture. Les recommandations émises dans le rapport sur les pratiques de thérapie de conversion appellent les États à prendre des mesures urgentes pour protéger les enfants et les jeunes contre les thérapies de conversion, à mener des campagnes de sensibilisation, à définir clairement les pratiques soumises à interdiction, et à introduire un système de sanctions.
Le Conseil fédéral botte en touche
Bien que plusieurs initiatives parlementaires aient été déposées au cours des dernières années, notamment l’interpellation de Rosmarie Quadranti sur l’interdiction et la punissabilité des thérapies visant à traiter l’homosexualité chez des mineurs, le Conseil fédéral ne semble pas prompt à formaliser une interdiction des thérapies de conversion. Il relève plutôt l’existence d’un réseau d’institutions publiques et privées de protection de la jeunesse, la possibilité de dénoncer les cas aux autorités de protection de l’enfance et de l’adulte compétentes, ou les dispositions légales préexistantes. Le Conseil fédéral rappelle ainsi que d’autres dispositions pénales pourraient trouver application, nommément la contrainte, l’abus de confiance ou l’escroquerie.
Pour l’heure, le postulat d’Erich Von Siebenthal a été adopté au Conseil national. Le traitement de la question sera donc reporté jusqu’à l’obtention d’informations quant à l’utilité de réglementer ces pratiques… Cette temporisation semble être dans l’air du temps pour certaines organisations religieuses, à l’instar de l’Alliance évangélique suisse (AES). Cette faîtière rejette les procédures visant le changement d’orientation sexuelle mais s’oppose à leur interdiction sous couvert de liberté de religion. Or, il semble important de mettre rapidement un frein à des pratiques nébuleuses aux impacts néfastes, surtout pour les mineurs et les jeunes adultes.
Fausse apparence
La réaction de l’AES permet d’appréhender les réserves de certaines organisations religieuses quant à une réglementation étatique. Or, elle ne saurait être le miroir des positions de toutes les institutions religieuses, fort heureusement. Il est toutefois vrai que ces thérapies restent floutées par le linceul de la religion ou de la famille. Raison pour laquelle les victimes des thérapies de conversion devraient être reconnues en tant que telles et disposer de tous les instruments utiles à leur reconstruction.
1 vd.ch/toutes-les-actualites/consultations/
2 Article 1 de la loi, cf. legifrance.gouv.fr