A boire et à manger au tribunal
Sommaire
Plaidoyer 5/11
07.10.2011
Dernière mise à jour:
06.10.2013
Suzanne Pasquier
Ils avaient décrété que l'appellation «raclette» n'était pas réservée à la raclette valaisanne mais que, au contraire, l'AOC Damassine était bien le privilège des producteurs du Jura. Ils avait aussi admis que le Försterkäse ne fait pas de tort au Mont-d'Or, pas plus que le «Gruyère de cuisine doux, production en France» ne rivalise avec l'AOC Gruyère.
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AbonnementIls avaient décrété que l'appellation «raclette» n'était pas réservée à la raclette valaisanne mais que, au contraire, l'AOC Damassine était bien le privilège des producteurs du Jura. Ils avait aussi admis que le Försterkäse ne fait pas de tort au Mont-d'Or, pas plus que le «Gruyère de cuisine doux, production en France» ne rivalise avec l'AOC Gruyère.
Plus récemment, c'est le saucisson vaudois qui est venu sur la table des juges fédéraux. La question était de savoir si cette spécialité, au bénéfice d'une indication géographique protégée (IGP), pouvait contenir du museau de porc. La recourante, l'Association charcuterie vaudoise IGP, affirmait que oui, car cet ingrédient est traditionnellement utilisé par plusieurs fabricants. Les gardiens du cahier des charges de cette appellation rétorquaient que non, car le museau de porc contient de la couenne, elle-même bannie de la liste des ingrédients autorisés. Plus précisément, la lecture de l'ATF 137 II 152 nous apprend que le saucisson vaudois est un mélange de viande de porc dont sont exclus «les tendons, les couennes, les parties sanglantes, les ganglions, ainsi que les autres parties étrangères du porc».
On le sait, le Tribunal fédéral ne prend aucune décision à la légère. En l'occurrence, il s'est référé à une étude de la Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux sur «l'impact de l'ajout du museau dans le saucisson vaudois», dont le rapport est accablant. Si «un tel ajout de 8% modifie légèrement les propriétés sensorielles du saucisson» il «entraîne une augmentation significative des protéines du collagène». La conclusion des juges est implacable: le museau de porc altère la qualité du saucisson. Et pas question, par conséquent, de modifier le cahier des charges en faveur de la recourante et au détriment du consommateur.
Se retranchant derrière les rapports des experts, les juges n'ont apparemment pas procédé à une dégustation du saucisson vaudois. Mais il arrive que les magistrats se montrent plus consciencieux. Surtout s'il s'agit d'alcool. Dans une affaire de cocktail autrichien à deux composants (schnaps et jus de fruits à mélanger), le Tribunal administratif fédéral (TAF) a ainsi constaté que le breuvage offre la douceur d'un alcopop et qu'il doit être vendu comme tel en Suisse. Ici, pas besoin d'experts. Les juges se sont dévoués pour goûter eux-mêmes pas moins de cinq sortes de cocktails, relate l'arrêt du TAF. Une fois avec des glaçons et une fois sans.