La nouvelle partie générale du Code pénal est entrée en vigueur le 1er janvier 2007. Cette révision n’a cependant pas mis fin aux critiques formulées à l’encontre du droit des sanctions. Les reproches ont visé principalement les dispositions qui ont remplacé les courtes peines privatives de liberté par des peines pécuniaires ou de travail d’intérêt général ainsi que la peine pécuniaire et le travail d’intérêt général avec sursis, dont le pouvoir dissuasif a été mis en doute. Afin de répondre à ces exigences, le Conseil fédéral a établi, le 4 avril 2012, un projet de modification de la partie générale du Code pénal(1), ainsi qu’un Message y relatif(2). Ce projet est à l’heure actuelle à l’examen devant les Chambres fédérales. Le Conseil national a d’ores et déjà adopté, le 25 septembre 2013, une version modifiée de réforme. Quant au Conseil des Etats, il devrait se pencher sur la question au plus tôt lors de la session de printemps de 2014.
Les aspects significatifs de la réforme
1. Introduction
La réforme du droit des sanctions porte sur les points suivants:
- réintroduction des courtes peines privatives de liberté (suppression de l’art. 41 CP et modification de l’art. 40 CP);
- éventuelle suppression de la peine pécuniaire avec sursis (modification des art. 42 al. 1 et 43 al. 1 CP);
- réduction du nombre de jours-amende et fixation d’un montant minimal dans le cadre de la peine pécuniaire (modification de l’art. 34 al. 1 et 2 CP);
- réduction du délai octroyé au condamné pour s’acquitter de la peine pécuniaire (nouveauté introduite par le Conseil national);
- réintroduction du travail d’intérêt général en tant que forme d’exécution des peines (suppression des art. 37 à 39 CP et introduction de l’art. 79a CP);
- suppression du travail d’intérêt général en cas de non-paiement non fautif de la peine pécuniaire en lieu et place de la peine privative de liberté de substitution (suppression de l’art. 36 al. 3 lit. c et al. 4 CP);
- introduction de la surveillance électronique (introduction de l’art. 79b CP) et de l’expulsion judiciaire (introduction de l’art. 67c CP);
- suppression de la possibilité d’exécuter des courtes peines privatives de liberté sous forme de semi-détention (suppression de l’art. 79 CP);
- suppression de la possibilité de prononcer une amende en sus du sursis (modification de l’art. 42 al. 4 CP);
- relèvement à 25 ans de l’âge auquel prennent fin les mesures ordonnées en vertu du droit pénal des mineurs (art. 19 al. 2 DPMin).
Seules seront présentées dans cet article, sous un angle critique les réformes, qui, du point de vue de l’auteure, sont les plus significatives(3).
2. Peine pécuniaire
2.1. Réduction du nombre de jours-amende
A l’heure actuelle, la limite maximale de la peine pécuniaire est fixée à 360 jours-amende (art. 34 al. 1 CP).
Néanmoins, pour donner plus de poids à la peine privative de liberté(4), le Conseil fédéral a prévu de plafonner la peine pécuniaire à 180 jours-amende (nouvel art. 34 al. 1 CP); dès six mois, les délits sont d’une gravité telle qu’elle justifie une peine de prison. De l’avis du Conseil fédéral, la réduction de la peine pécuniaire maximale à 180 jours-amende participe ainsi au durcissement général du régime des peines; le reproche d’une justice à deux vitesses dans le domaine des peines comprises entre 180 et 360 jours sera ainsi écarté(5).
Il sied en revanche de relever que l’actuel droit des sanctions, tout comme le nouveau, ne prévoit pas le nombre minimum de jours-amende, ce qui est à regretter. Toutefois, en l’absence de toute indication du législateur, la doctrine majoritaire le fixe à un jour-amende(6).
2.2. Introduction d’un montant minimal de jours-amende
L’actuel art. 34 al. 2 CP ne prévoit pas de montant minimal du jours-amende. Le Tribunal fédéral, d’abord opposé à un montant minimal du jour-amende, a toutefois précisé que la peine pécuniaire doit également être prononcée à l’encontre d’auteurs dont les revenus sont très faibles, voire n’atteignent pas le minimum vital, à défaut de quoi ces personnes risqueraient de se voir souvent infliger des peines privatives de liberté, la peine pécuniaire semblant peu adéquate dans un tel cas(7). Dans un arrêt ultérieur, notre Haute Cour a eu l’occasion de préciser que, en ce qui concerne les auteurs les plus démunis, la peine pécuniaire n’était pas purement symbolique si le jour-amende atteignait la somme de 10 fr. au moins(8).
Fondé sur cette jurisprudence, le Conseil fédéral a décidé de combler la lacune de l’art. 34 al. 2 CP en y introduisant un montant minimum de 10 fr. par jour-amende. Néanmoins, le gouvernement n’a pas été suivi sur ce montant lors des débats parlementaires, en automne 2013. Le Conseil national a en effet opté pour un montant minimal fixé à CHF 30 fr., montant qui avait été recommandé par la Conférence des autorités de poursuite pénale de Suisse en 2006(9) et qui avait recueilli l’approbation de la majorité lors de la procédure de consultation. Cette décision prête toutefois le flanc à la critique; en effet si, dans la majorité des cas, ce montant est certes généralement adéquat, même pour les condamnés économiquement défavorisés(10), il n’en va pas de même lorsque le nombre de jours-amende est élevé ou pour les condamnés véritablement sans ressources, lesquels n’auraient alors pas d’autre choix que de purger une peine privative de liberté de substitution pour cause de non-paiement de la peine pécuniaire. Tel serait par exemple le cas d’un prévenu sans ressources financières, condamné au nombre maximum de jours possibles, soit 180 jours-amende à 30 fr., qui écoperait ainsi d’une peine minimale de 5’400 fr., ou d’une mère célibataire au revenu modeste.
2.3 Réduction du délai pour s’acquitter de la peine pécuniaire
Le Conseil national a décidé, lors des débats de la session d’automne de 2013, de raccourcir le délai octroyé au condamné pour s’acquitter de la peine pécuniaire, alors même que le Gouvernement fédéral n’avait pas prévu cette modification dans son projet du 4 avril 2012. Ainsi, ce délai est passé de douze mois, dans le cadre de l’actuel art. 35 al. 1 CP, à six mois. Cette modification a pour conséquence malheureuse que la peine privative de liberté de substitution (art. 36 CP) peut être prononcée beaucoup plus rapidement qu’à l’heure actuelle, ce qui risque d’engorger les établissements pénitentiaires plus qu’ils ne le sont déjà. En effet, le prévenu à revenu modeste, condamné à une peine pécuniaire de plusieurs milliers de francs (par exemple 5400 fr. pour reprendre l’exemple cité au paragraphe précédent) disposera d’encore moins de temps qu’actuellement pour s’acquitter du montant dû.
2.4 Eventuelle suppression de la peine pécuniaire avec sursis
En l’état actuel du droit, toutes les peines pécuniaires (c’est-à-dire celles d’un à 360 jours-amende) sont susceptibles d’être assorties du sursis (art. 42 al. 1 CP) ou du sursis partiel (art. 43 al. 1 CP). En effet, l’introduction du sursis à l’exécution de la peine pécuniaire a représenté une innovation majeure du système de sanction entré en vigueur le 1er janvier 2007.
L’effet préventif du sursis à la peine pécuniaire suscitait néanmoins les doutes des milieux concernés, qui estiment que cette peine est dénuée de tout effet de prévention. Ainsi, dans son projet du 4 avril 2012, le Conseil fédéral a proposé de supprimer la peine pécuniaire avec sursis, total ou partiel (nouveaux art. 42 al. 1 et 43 al. 1 CP). Lors de la session parlementaire d’automne de 2013, la majorité du Conseil national n’a toutefois pas suivi le gouvernement et s’est prononcée en faveur du maintien du sursis s’agissant des peines pécuniaires «en cas de circonstances particulièrement favorables». En effet, c’est à juste titre que les députés ont considéré que la suppression des peines pécuniaires avec sursis pourrait représenter, dans certains cas, de lourdes charges financières pour le condamné(11). La tâche de trancher cette question reviendra ainsi au Conseil des Etats.
3. Peine privative de liberté
3.1. Introduction
En l’état actuel, le droit pénal ne considère pas la peine privative de liberté comme la sanction principale, ce rôle étant tenu par la peine pécuniaire. S’agissant des courtes peines – soit les peines privatives de liberté de moins de six mois – ce type de sanction ne doit être prononcé qu’à titre subsidiaire, lorsque ni la peine pécuniaire ni le travail d’intérêt général ne peuvent être envisagés (art. 41 CP).
Le nouveau droit, pour sa part, opte pour une conception tout autre: il ne fixe aucun ordre de priorité en matière de peine; il est ainsi loisible au juge de prononcer une peine pécuniaire plutôt qu’une peine privative de liberté, ou l’inverse(12). Par ailleurs, il est procédé à une réintroduction des courtes peines privatives de liberté.
3.2. Courtes peines privatives de liberté
La révision de la partie générale du Code pénal entrée en vigueur en 2007 a remplacé les peines privatives de liberté de moins de six mois par des peines pécuniaires et du travail d’intérêt général; il n’est ainsi possible de prononcer une peine privative de liberté de moins de six mois que s’il y a lieu d’admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d’intérêt général ne peuvent être exécutés (art. 41 CP). Par ailleurs, en matière de courtes peines privatives de liberté, le CP actuel est clair: le juge ne peut prononcer qu’une peine privative de liberté «ferme», à l’exclusion du sursis total ou partiel. Cette formulation est d’ailleurs confirmée par l’art. 42 CP, selon lequel le sursis total ne peut être accordé pour des peines privatives de liberté de moins de six mois; quant à l’art. 43 CP, il exclut purement et simplement le sursis partiel pour des peines d’emprisonnement de moins d’un an.
L’un des objectifs principaux du nouveau droit des sanctions consiste néanmoins en un rétablissement de la courte peine privative de liberté, cette option, de l’avis du Conseil fédéral, reposant «sur la conviction que les courtes peines privatives de liberté sont (…) mieux à même de satisfaire les besoins de répression de la communauté (…) que les simples peines pécuniaires»(13). Dès lors, le juge pourra de nouveau prononcer une peine privative de liberté à partir d’une durée de trois jours(14) (nouvel art. 40 al. 1 CP et suppression de l’actuel art. 41 CP). Il en découle que la primauté de la peine pécuniaire, dans le domaine des peines allant jusqu’à six mois, est supprimée.
En vertu des nouveaux art. 42 al. 1 et 43 al. 1 CP, les courtes peines privatives de liberté pourront être assorties du sursis (respectivement total ou partiel), si les conditions en sont réalisées, lesquelles demeurent pour le surplus inchangées.
Ainsi, pour les peines de six mois au plus, le nouveau système met en parallèle la peine privative de liberté (avec ou sans sursis) et la peine pécuniaire (l’incertitude quant au fait que cette peine puisse être assortie du sursis demeurant à l’heure actuelle(15)). Le juge pourra alors choisir entre l’une ou l’autre de ces sanctions(16). Son choix sera dicté par la nature de l’infraction, le profil du prévenu, sa capacité financière, etc.
Si la majorité salue la réintroduction de la courte peine privative de liberté, d’autres, en revanche, restent sceptiques quant à sa réelle efficacité. En effet, une étude réalisée en 2011 par l’Office fédéral de la statistique précisait à ce propos: «A court terme, l’introduction des peines pécuniaires et la suppression des courtes peines privatives de liberté ne semblent (…) pas avoir eu d’impact significatif sur la récidive (…), ce n’est donc pas tant le type de sanction qui a le plus d’effet préventif, mais bien le risque d’être condamné»(17). Au demeurant, ni le Conseil fédéral, ni le Conseil national n’ont tenu compte de cet avis. En particulier, le premier a avancé différents arguments afin de justifier la réintroduction de la courte peine privative de liberté, à savoir que celle-ci prévient mieux le risque de récidive chez certains délinquants(18), qu’elle contribue à une meilleure prise en considération des victimes, qu’elle frappe spécifiquement le condamné et non son entourage familial et, enfin, qu’elle contribue à pouvoir arrêter certains délinquants sur une mauvaise pente en leur offrant une chance de prendre un nouveau départ(19).
Relevons, enfin, que des alternatives à l’exécution d’une courte peine privative de liberté sont proposées par le nouveau droit des sanctions, à savoir: exécution sous la forme de la semi-détention (nouvel art. 77b al. 2 CP), exécution sous forme de travail d’intérêt général(20) (nouvel art. 79a lit. a CP), exécution par le biais d’une surveillance électronique(21) (nouvel art. 79b al. 1 lit. a CP).
4. Travail d’intérêt général en tant que forme d’exécution des peines
L’introduction du travail d’intérêt général à l’actuel art. 37 CP avait notamment pour but de substituer une courte peine privative de liberté. Dans le cadre de l’actuel CP, il s’agit d’une peine au même titre que la peine privative de liberté ou la peine pécuniaire.
Dans son projet du 4 avril 2012, le Conseil fédéral a néanmoins décidé de rayer le travail d’intérêt général de la liste des peines, les actuels art. 37 à 39 CP étant donc supprimés. En vertu du nouvel art. 79a CP, le travail d’intérêt général redeviendra une forme de l’exécution et sera ordonné à peu près aux mêmes conditions qu’il l’est aujourd’hui comme peine: il sera ouvert aux personnes condamnées à une peine privative de liberté de six mois au plus ou à une peine pécuniaire (dont le maximum sera 180 jours-amende), ce qui correspond à un maximum de 720 heures de travail d’intérêt général (le taux de conversion étant de quatre heures pour un jour, nouvel art. 79a al. 3 CP). Comme la semi-détention (nouvel art. 77b al. 2 CP), il pourra être ordonné à la place d’un solde de peine de six mois au plus (nouvel art. 79a al. 1 lit. b CP). Le travail d’intérêt général pourra également venir se substituer à une amende pour contravention (nouvel art. 79a al. 4 CP). Il ne sera ordonné par l’autorité d’exécution qu’à la demande du condamné (nouvel art. 79a al. 1 lit. c CP). En revanche, il n’est pas question qu’un condamné puisse demander à exécuter sous cette forme une peine privative de liberté de substitution qu’il doit purger, parce qu’il n’a pas payé une peine pécuniaire ou une amende; le condamné doit en effet prendre l’initiative de demander le droit d’exécuter sa peine sous forme de travail d’intérêt général (nouvel art. 79a al. 1 ab initio CP) et non pas attendre, pour faire cette demande, qu’une peine privative de liberté de substitution ait été ordonnée(22).
Enfin, le nouvel art. 79a al. 2 CP correspond à l’actuel art. 37 al. 2 CP (nature du travail d’intérêt général). Le nouvel art. 79a al. 3 CP correspond à l’actuel art. 39 al. 2 CP (modalités de conversion du travail d’intérêt général) et, enfin, le nouvel art. 79a al. 4 CP correspond à l’actuel art. 38 CP (délai pour accomplir le travail d’intérêt général).
5. Institution de l’exécution sous surveillance électronique
Etant donné que la révision du droit des sanctions réduit le domaine d’application de la peine pécuniaire pour donner plus d’importance à la peine privative de liberté, l’exécution des peines en dehors de l’établissement pénitentiaire sous forme de surveillance électronique, déjà à l’essai dans sept cantons (Vaud, Genève, Berne, Tessin, Soleure, Bâle-Ville et Bâle-Campagne), sera définitivement inscrite dans la loi (nouvel art. 79b CP), afin de ne pas engorger les prisons.
Le condamné sous surveillance électronique passe son temps libre et de repos dans son logement, alors qu’il est autorisé à aller travailler ou à suivre sa formation. Cette institution a pour avantage de réduire les coûts de procédure et de ne pas soustraire le condamné de son environnement social et de son travail. Toutefois, cette forme de l’exécution revêt bel et bien un caractère de sanction, car le bracelet électronique rappelle sa situation 24 heures sur 24 à cette personne, qui doit de plus être constamment attentive à respecter son emploi du temps hebdomadaire et quotidien. De même, il faut la distinguer des autres usages du bracelet électronique, lequel peut être employé en lieu et place de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, qui relèvent de l’art. 237 al. 3 CPP(23). La surveillance électronique dans le cadre des formes de détention prévues par la législation sur les étrangers ou comme mesure policière contre la violence domestique n’a pas non plus sa place dans le CP et relève du droit en matière d’étrangers, respectivement du droit cantonal.
L’exécution sous surveillance électronique pourra être utilisée à deux fins. Premièrement, au titre de l’exécution d’une peine privative de liberté de 20 jours à 12 mois (nouvel art. 79b al. 1 lit. a CP). Dans ce cadre, est déterminante la durée de la peine prononcée – et non le solde de la peine après déduction du temps de détention avant jugement ou de détention pour des motifs de sûreté(24). Deuxièmement, le nouvel art. 79b al. 1 lit. b CP prévoit la surveillance électronique comme nouvelle phase de l’exécution progressive, puisque aujourd’hui n’existent que le travail externe et le travail et logement externes (actuel art. 77a CP). Ainsi, la surveillance électronique pourra remplacer le travail et le logement externes. Toutefois, dans un tel cas, la surveillance électronique sera limitée aux peines privatives de liberté de 12 mois au plus(25); quant à la limite inférieure, elle sera de trois mois (nouvel art. 79b al. 1 lit. b CP) au lieu d’un mois actuellement(26). Dans tous les cas, la surveillance électronique ne sera ordonnée par l’autorité d’exécution qu’à la demande du condamné (nouvel art. 79b al. 1 CP) et sera soumise aux quatre conditions énumérées à l’art. 79b al. 2 CP.
Toutefois, ensuite de l’«affaire Marie» ayant secoué le canton de Vaud au mois de mai 2013(27), certains pensaient que le sort du bracelet électronique pourrait être remis en question. Tel ne semble pas être le cas pour l’heure, puisque, dans leur session d’automne de 2013, les députés du Conseil national ont adopté cet instrument, par 128 voix contre 49.
De fait, si elle peut être admise pour les courtes peines, la surveillance électronique en fin de peine ou pour des détenus dangereux ayant purgé de longues peines d’emprisonnement semble plus controversée. Il apparaît ainsi que les délinquants (sexuels) dangereux ne doivent pas pouvoir se promener avec un tel bracelet, lequel ne doit être octroyé qu’aux détenus non dangereux, qui purgent de courtes peines et ne risquent pas de s’enfuir.
6. Rétablissement de l’expulsion judiciaire
Avant 2007, le Code pénal prévoyait l’expulsion (judiciaire, par opposition à l’expulsion administrative) à titre de «peine accessoire»(28), laquelle pouvait être prononcée avec ou sans sursis. Cette peine a toutefois été abrogée dans le cadre de la révision entrée en vigueur le 1er janvier 2007. De l’avis du Conseil fédéral, cette suppression ne s’est toutefois pas révélée probante, ce qui explique sa réintroduction dans le Code pénal, mais à titre «d’autres mesures» (nouvel art. 67c CP).
Le nouvel art. 67c al. 1 CP reproduit le motif de révocation des autorisations et autres décisions prévu par l’art. 62 lit. b de la loi fédérale sur les étrangers (ci-après LEtr)(29), lequel sera par conséquent abrogé; désormais seul le tribunal – à l’exclusion de l’autorité compétente en matière de police des étrangers – décidera si un acte punissable doit donner lieu à une expulsion. Ainsi, le juge pourra(30) expulser du territoire suisse tout étranger qui a été condamné à une peine privative de liberté de plus d’un an(31) ou qui fait l’objet d’une mesure au sens de l’art. 61 (mesures applicables aux jeunes adultes) ou 64 CP (internement).
L’expulsion pourra être prononcée pour une durée de trois à quinze ans (nouvel art. 67c al. 1 CP). En cas de récidive, à savoir si une nouvelle peine privative de liberté de plus d’un an est ordonnée contre le condamné pour un acte commis alors que l’expulsion a effet, l’expulsion pourra toutefois être prononcée à vie (nouvel art. 67c al. 3 CP).
A teneur du nouvel art. 67c al. 2 CP, l’expulsion prendra effet dès que le jugement est entré en force ou, si la peine ou la mesure est exécutée, dès que le condamné est libéré (nouvel art. 67c al. 2 CP); cette dernière cautèle permet d’éviter que l’exécution de la peine ou de la mesure ordonnée dans le jugement n’empiète sur la durée de l’expulsion, puisque celle-ci commencera une fois la personne condamnée libérée(32).
Il sied néanmoins de se poser la question de l’opportunité d’un tel instrument, inséré dans le Code pénal, alors même que la législation en matière de droit des étrangers prévoit une disposition similaire. Le fait qu’un juge prononce une expulsion dans le jugement même garantit que le statut de la personne concernée au regard de la législation sur les étrangers sera définitivement réglé lorsqu’elle sera libérée de l’exécution de sa peine et qu’elle pourra être expulsée à ce moment-là. La procédure judiciaire, publique, a en outre un effet préventif supérieur à celui d’une décision administrative prise par la police des étrangers.
Conclusion
Si la réforme du droit des sanctions peut certes, à première vue, apparaître opportune, il n’en demeure pas moins que nombreux sont ceux qui reprochent au Conseil fédéral d’avoir cédé sous la pression politique. En effet, le gouvernement élaborait un projet de réforme cinq ans seulement après l’entrée en vigueur de la nouvelle partie générale du Code pénal, projet qui réintroduit certains principes qui existaient avant l’entrée en vigueur du nouveau droit en 2007, à l’image de la courte peine privative de liberté, du travail d’intérêt général en tant que forme d’exécution de la peine ou de l’expulsion judiciaire. La question se pose, dès lors, si ce projet ne risque pas, une fois encore, d’être adopté dans la précipitation et si, au contraire, il n’aurait fallu laisser s’écouler encore quelques années avant de modifier le droit des sanctions. Seul l’avenir apportera une réponse à cette question qui, pour l’heure, reste en suspens…
*Dr en droit, chargée de cours à la Faculté de droit et des sciences criminelles de l’Université de Lausanne
(1) FF 2012 4419.
(2) Message du Conseil fédéral du 4 avril 2012 relatif à la modification du Code pénal et du Code pénal militaire (réforme du droit des sanctions), FF 2012 4385.
(3) Voir également sur ce sujet: JOSITSCH, Daniel/RICHNER, Michelle, Revision des Allgemeinen Teils des Strafgesetzbuches, in Jusletter du 5 novembre 2012; RIKLIN, Franz, Zur geplanten Änderung des Sanktionenrechts im Schweizerischen Strafgesetzbuch, in Jusletter du 5 novembre 2012; JOSITSCH, Daniel, Aktuelle Tendenzen in der strafrechtlichen und in des strafprozessrechtlichen Gesetzgebung, in Jusletter du 18 novembre 2013.
(4) Message du Conseil fédéral du 4.11.2012, op. cit., FF 2012 4398.
(5) Message du CF, op. cit., FF 2012 4406.
(6) DUPUIS, Michel/GELLER, Bernard et alii, Code pénal, Petit commentaire, Bâle, 2012, n. 11 ad. art. 34 CP et les réf. citées; JEANNERET, Yvan, in ROTH, Robert/MOREILLON, Laurent, Code pénal I, Commentaire romand, Bâle, 2009, n. 5 ad art. 34 CP; ibid., Les peines selon le nouveau Code pénal, in PFISTER-LIECHTI, Renate, Partie générale du Code pénal, Berne, 2007, p. 53; CIMICHELLA, Sandro, Die Geldstrafe im Schweizer Strafrecht, Berne, 2006, p. 75.
(7) ATF 134 IV 97 cons. 5.2.3.
(8) ATF 135 IV 180 cons. 1.4.2; TF, arrêt 6B_760/2008 du 30.6.2009, cons. 2.1.
(9) Recommandations complémentaires de la CAPS sur la fixation de la peine, adoptées le 3 novembre 2006 par l’assemblée des délégués.
(10) DOLGE, Annette, Geldstrafen als Ersatz für kurze Freiheitsstrafen – Top oder Flop, RPS 128/2010, p. 64.
(11) Voir supra points 2.3 et 2.2. Dans ce sens: RIKLIN, op. cit., n. 11.
(12) Message du CF, op. cit., FF 2012 4407. Le juge ne pourra en revanche plus prononcer de travail d’intérêt général, puisque cet instrument deviendra une forme d’exécution de peine (cf. infra point 4.).
(13) Rapport explicatif relatif à la réforme du droit des sanctions, p. 10.
(14) On revient ainsi à la durée minimale d’emprisonnement de trois jours que prévoyait le CP avant 2007.
(15) Voir supra point 2.4.
(16) Message du CF, op. cit., FF 2012 4400.
(17) Office fédéral de la statistique, Nouveau droit des sanctions et récidive pénale, novembre 2011, p. 10.
(18) Il en va ainsi de délinquants très fortunés, pour lesquels une peine pécuniaire, même élevée, reste dérisoire.
(19) Message du CF, op. cit., FF 2012 4399.
(20) Sur le travail d’intérêt général, voir infra point 4.
(21) Sur la surveillance électronique, voir infra point 5.
(22) Message du CF, op. cit., FF 2012 4402.
(23) RS 312.
(24) Message du CF, op. cit., FF 2012 4411.
(25) Cette limite supérieure correspond à celle qui est appliquée à l’heure actuelle par les cantons pilotes.
(26) Une durée d’un mois s’avère souvent trop courte pour permettre au condamné de réapprendre à planifier seul son temps et de se réintégrer dans la vie professionnelle; Message du CF, op. cit., FF 2012 4412.
(27) Un condamné en fin d’exécution de peine, Claude D., bénéficiant d’une surveillance sous bracelet électronique, a enlevé une jeune fille, Marie, qu’il a ensuite tuée à Payerne.
(28) Par ce terme, on entendait une sanction qui ne pouvait être ordonnée qu’en combinaison avec une «peine principale». (Message du CF, op. cit., FF 2012 4409.)
(29) RS 142.20.
(30) L’expulsion représente donc une option facultative pour le magistrat, à la différence de ce qui est prévu dans l’initiative de l’UDC sur le renvoi des étrangers criminels, approuvée par le peuple et les cantons le 28 novembre 2010, qui vise une expulsion obligatoire dans un certain nombre de cas.
(31) L’art. 62 lit. b LEtr parle de «peine privative de liberté de longue durée». Le Tribunal fédéral a considéré que la peine privative était de longue durée lorsqu’elle est de plus d’un an (ATF 135 II 377). Le Conseil fédéral s’est ainsi aligné sur la jurisprudence de notre Haute Cour.
(32) Message du CF, FF 2012 4409.