L’effondrement de la mine de San Juan Arriba en juillet 2014, d’où seuls trois rescapés ont été retrouvés vivants, a révélé au public ces tunnels creusés dans la montagne, d’où les mineurs, souvent âgés d’à peine 20 ans, extraient la roche aurifère à l’aide de dynamite, puis de mercure et de moulins artisanaux, directement des fleuves dont les bassins sont contaminés jusqu’à leurs embouchures dans l’océan Pacifique.
Cette mine se trouve à une centaine de kilomètres de la capitale Tegucigalpa. Les entreprises auxquelles ces mineurs vendent leur récolte n’assument aucune responsabilité en cas d’accident, car l’exploitation de ces mines désaffectées est illégale. Les jeunes s’y risquent pourtant, attirés par la hausse du cours du métal jaune. Le pays, où se trouvent deux mines à ciel ouvert et une autre mine souterraine, n’en exploite aucune lui-même. Seules des entreprises transnationales y sont actives. L’Etat affirme qu’il ne sait rien de cette exploitation illégale et, donc s’en lave pour ainsi dire les mains.
En tant qu’avocat, je constate le désarroi des parents des huit mineurs décédés, car ils ne peuvent intenter de procès. Seule l’entreprise a lancé une action en justice contre l’Etat, du fait de la perte économique engendrée par cette activité illégale. Le juge de première instance n’a écouté aucun de mes arguments portant sur l’importance de respecter le droit à la vie des travailleurs et le droit à une eau non souillée. Finalement, aucuns dommages-intérêts n’ont été payés pour la mort de ces jeunes gens.
Le Honduras a désormais accordé 250 concessions minières. Je me demande comment, alors que l’Etat ne peut contrôler une seule entreprise canadienne, il fera pour veiller sur 250 concessions! Le travail d’extraction à ciel ouvert, pour lequel les mineurs utilisent du mercure, du cyanure et du charbon, cause du sulfure qui contamine les sources de la région. La population ne peut plus boire cette eau.
Les relations que les entreprises minières peuvent avoir avec le crime organisé m’inquiètent. La police ne fait peur à personne, alors que tout le monde craint le crime organisé. Je ne peux accuser le Gouvernement de recevoir directement des fonds des narcotrafiquants, mais il est certain que des députés du Congrès et la police en sont hautement infiltrés. La population devrait se reconvertir dans le café ou le maïs, mais dépend des entreprises minières qui assurent à la fois le système de santé, l’éducation et le transport, mais les expulsent aussi de leurs terres et les persécutent. Des gens vont même, de nuit, extraire l’or de ces mines et se voient accusés de violer la concession par les militaires. Certains ont même été torturés, et la justice a été saisie en octobre dernier, une action encore en cours à ce jour. En tant qu’avocat, je n’ai jamais été menacé personnellement, mais les militants des droits de l’homme sont souvent accusés à tort de terrorisme, de menaces contre l’Etat ou sédition.
Venu en Suisse à l’invitation de Peace Brigades International à la fin de 2014, j’aimerais attirer l’attention internationale dans la perspective de l’examen auquel le Honduras se soumettra en avril prochain devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Je pense, en effet, que ces faits graves sont souvent ignorés, y compris dans la capitale de mon pays.