Le scandale de la National Security Agency (NSA) a donné une impulsion à un marché d’un genre particulier: celui de l’hébergement des données en toute sécurité, à l’abri de la surveillance américaine à outrance et des pirates informatiques de tous horizons. Et c’est là que les grandes firmes spécialisées dans le «cloud», pénalisées par leur siège sis dans le pays de l’espionnite aiguë, voient apparaître de jeunes concurrents installés dans des pays plus sûrs. En Suisse, par exemple, où la législation cadre strictement les opérations de surveillance. Cela n’empêche évidemment pas les pirates de sévir. Mais les sociétés suisses actives dans le «cloud» brandissent encore d’autres atouts: une culture toute helvétique, disent-elles, de la sécurité et de la gestion des risques, une stabilité politique, un territoire non sujet aux secousses sismiques majeures... et des bunkers.
En effet, ces constructions, outre le fait qu’elles sont bradées par l’armée, présentent des qualités insoupçonnées pour accueillir des «data centers»: blindées contre les cambriolages de données, naturellement climatisées par leur emplacement souterrain, souvent proches des installations hydro-électriques de montagne. Bref, tout le nécessaire pour permettre, physiquement, le refroidissement du système d’hébergement et l’approvisionnement en électricité d’appareils gourmands en énergie. En somme, la préservation de valeurs immatérielles doit s’appuyer sur du concret.
Des arguments qui séduisent une clientèle provenant de pays et de secteurs divers. Y compris des milieux juridiques. La Fédération suisse des avocats cherche en effet, à offrir un «cloud» sûr à ses membres, peut-être «dans un bunker au Gothard», selon les propos de son président, Pierre-Dominique Schupp, rapportés par la NZZ. L’enjeu, c’est évidemment de se donner les moyens d’assurer le secret professionnel de l’avocat. Mais encore faut-il trouver des services de communication sûrs pour le transfert des informations entre le «data center» et l’étude d’avocat.
Et la Suisse va-t-elle indéfiniment se montrer bonne élève dans le respect de la sphère privée de ses résidents? Le Conseil fédéral veut, par exemple, «moderniser» la surveillance des communications, en autorisant les logiciels espions dans le cadre des procédures pénales. Il veut aussi permettre aux Services de renseignement du pays de procéder à des écoutes préventives et de pénétrer les systèmes informatiques. Tout cela à des conditions strictes et avec des garde-fous, bien entendu. On est certes loin des méthodes de la NSA. Mais n’ouvrirait-on pas, dès lors, le «bunker» de Pandore?