Droit public
Droit constitutionnel
Federica De Rossa, Garantir l’effectivité des droits sociaux en Suisse, PJA 11/2021, p. 1352.
L’auteure dresse un amer constat sur les manquements de la Constitution fédérale en termes de protection des droits sociaux des plus démunis. Nous nous souvenons, tous, de l’initiative «en faveur du service public», rejetée par le peuple en 2016, qui portait sur l’obligation étatique de fournir des prestations de base à des prix équitables. Federica de Rossa développe une vision encore plus large de la disposition constitutionnelle (article 43b Cst.) visant un «droit du justiciable à l’accès aux prestations relevant du besoin usuel de la population». La professeure associée de l’Università della Svizzera italiana ajoute que la jurisprudence développée à ce jour ne saurait suffire à garantir l’accès aux prestations matérielles, le Tribunal fédéral se limitant à accorder une protection indirecte. Il s’agit, à tout le moins, d’une approche bien éloignée de la concrétisation d’un droit d’accès à des prestations nécessaires à l’épanouissement d’un individu. Federica de Rossa défend l’introduction d’une modification constitutionnelle sur la reconnaissance explicite d’un droit à l’accès aux prestations. Elle conclut qu’une telle modification législative fournira aussi des issues aux plus démunis.
Procédure administrative
Mercedes Novier, Contentieux de la fonction publique communale: autorité compétente dans le canton de Vaud?, JdT 2021 III 111.
Mercedes Novier traite d’un sujet avec des impacts non négligeables pour le praticien vaudois. Dans les faits, le fonctionnement de l’administration publique communale sur l’engagement de son personnel a fondamentalement changé, au cours des dernières années. Nombre de communes vaudoises renoncent à la nomination et concluent des contrats de travail. Ce changement de paradigme ne facilite pas, loin de là, la détermination de l’autorité compétente en cas de litige. S’agit-il de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (CDAP) ou d’un tribunal civil? Malheureusement, les dispositions légales applicables ne permettent pas, non plus, de trancher cette question clairement. L’avocate note ici que la CDAP a émis une abondante jurisprudence sur ce point, une analyse au cas par cas étant nécessaire pour retrouver l’autorité compétente en cas de litige. L’experte en droit du travail ne manque pas de noter que les communes peinent à désigner la bonne autorité et conclut qu’il serait avisé de se calquer sur le modèle cantonal où les conflits de la fonction publique sont tous réglés par le TRIPAC (Tribunal de prud’hommes de l’Administration cantonale).
Droit privé
Droits réels
Maryse Pradervand-Kernen, Contrer les effets de l’écoulement du temps sur la propriété par étage: droit actuel et modifications législatives nécessaires, RDS 140 (2021) I, p. 403.
La professeure, en charge de la chaire de droit civil II de l’Université de Fribourg, note la mise en péril du caractère immuable de l’institution de la propriété par étages dans deux cas de figure. Maryse Pradervand-Kernen expose deux situations, nommément l’extinction du droit de superficie, dont la durée ne saurait excéder cent ans, et l’action en dissolution introduite en raison du mauvais état de l’immeuble. La première partie du développement se concentre sur l’extinction du droit de superficie et ses conséquences, à savoir le transfert de la propriété de l’immeuble au propriétaire du bien-fonds. Bien évidemment, les conséquences pour les membres de la propriété par étages sont importantes et devront être anticipées. Surtout quant à l’indemnisation des propriétaires par étages. Les propositions de modifications législatives émises par la doctrine sont également abordées pour contrer l’extinction du droit de superficie en introduisant des pare-feux aux entraves à sa prolongation. La deuxième partie traite de l’action en dissolution pour cause de destruction ou de dégradation du bâtiment avec, en point d’orgue, la nécessité de prévoir une obligation légale de constitution d’un fonds de rénovation. Maryse Pradervand-Kernen adresse un signal d’alerte justifié sur la nécessité d’adaptation de dispositions légales, garantes de la pérennité des propriétés par étage.
Procédure civile
Denis Piotet, note sur l’ATF 146 III 377, Conflit intercantonal de for judiciaire en matière de placement à des fins d’assistance: pourquoi ne pas appliquer la loi? (art. 59 Tit. Fin. CC), JdT 2021 II 111.
Le professeur de droit privé Denis Piotet, adresse un avis critique sur l’arrêt susvisé du Tribunal fédéral. Notre Haute Cour est ici confrontée à la délicate question de l’autorité compétente en matière intercantonale pour traiter un recours contre un placement à des fins d’assistance. Denis Piotet émet de fortes réserves sur la décision du Tribunal fédéral concluant à la compétence du juge du lieu où le placement a été ordonné. Le professeur rappelle, à titre liminaire, que la situation demeure inchangée et qu’une volte-face, telle que celle pratiquée par le Tribunal fédéral, s’avère être difficilement envisageable. A l’issue d’un exposé des règles applicables, dont toutes amènent à considérer le domicile comme for intercantonal, Piotet en appelle de ses vœux quant à une correction du présent jugement. Et de rappeler que la solution décriée verra pulluler des conflits de compétences négatifs ou positifs.
Karin Jordan, Médiation familiale obligatoire en droit suisse: vers une solution toute trouvée? Mise en œuvre et proposition de lege ferenda, PJA 11/2021, p. 1391
La contribution précitée traite des bénéfices d’une médiation lors de litiges en droit de la famille, en démontrant le bien-fondé d’une telle démarche pour éviter la survenance de troubles chez l’enfant. L’auteure de la contribution présente le modèle de Cochem, développé en Allemagne, où les parties sont invitées à prendre part à une médiation. Elle en relève le taux de succès, l’économicité ainsi que la rapidité. Une analyse des développements internationaux s’ensuit, du modèle obligatoire australien à la France, avec sa séance d’information obligatoire. Karine Jordan expose ensuite les difficultés de mise en œuvre, en Suisse, notamment par le biais de statistiques. Elle démontre, par cette voie, que les magistrats sont peu enclins à inciter les parties à contourner la procédure contentieuse. Et de conclure aussi à l’échec de la mise en œuvre à l’échelon cantonal. L’auteure énonce des propositions de lege ferenda, visant la suppression du choix pour les magistrats, d’exhorter ou pas, les parties à la médiation.
Droit numérique
Claire Dentand, Wer soll entscheiden: Maschine oder Mensch? Jusletter IT du 30 septembre 2021.
Le projet de loi sur la protection des données prévoit, à son article 19, l’introduction du traitement automatisé des décisions individuelles. L’auteure admet que cette option puisse être envisagée dans certains cas, par exemple lors d’une demande d’allocations familiales. Dans cette hypothèse, les données ne sont pas sujettes à interprétation. Toutefois, l’automatisation des décisions ne saurait être appliquée globalement et induit à de graves restrictions du droit d’être entendu. Le droit d’obtenir une décision motivée s’en trouve nettement amoindrie. Le droit de faire valoir son point de vue après la décision (art. 19 al. 2 P-LPD) n’en demeure pas moins problématique, vu l’insécurité juridique qui en découle. Claire Dentand procède aussi à une étude comparative entre la disposition légale européenne, soit l’article 22 du Règlement général sur la protection des données (RGPD) et l’article 19 P-LPD. Il en résulte que l’approche suisse laisse un plus large pouvoir d’appréciation aux autorités et restreint plus fortement le droit d’être entendu. Contrairement à nos voisins européens, qui confirment la suprématie de l’Homme sur la machine.