Selon les statistiques fédérales, malgré l'exercice d'une activité professionnelle, environ 4% de la population active reste au-dessous du seuil de pauvreté (établi selon les normes de la Conférence suisse des institutions d'action sociale - CSIAS). Mais le taux moyen de ces working poors augmente considérablement chez les travailleurs avec un ou plusieurs enfants, atteignant près de 10% pour les familles monoparentales, 7,6% pour les couples avec deux enfants et 18% pour les couples avec trois enfants ou plus. Par conséquent, l'arrivée d'un enfant représente un risque de paupérisation pour bon nombre de travailleurs. Partant de ce constat, le Conseil national a mis sur les rails un projet de prestations complémentaires pour les familles, inspiré d'un modèle qui a fait ses preuves au Tessin depuis le milieu des années 1990.
Sans attendre le résultat du projet fédéral (en cours d'élaboration au sein d'une commission du National depuis 2001), plusieurs cantons ont pris les devants et lancé leur propre projet de PC familles. Soleure a concrétisé le sien, avec une loi entrée en vigueur en 2010, tandis que les lois vaudoise et genevoise ont été acceptées par les législatifs cantonaux. Dans le canton de Vaud cependant, le dernier mot reviendra au peuple, à la suite d'un référendum lancé par les milieux patronaux.
A l'instar du modèle tessinois et du projet fédéral, les nouvelles prestations cantonales sont calquées sur le système fédéral de prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI. Les besoins vitaux et les revenus déterminants sont calculés selon les mêmes critères, moyennant quelques aménagements. Et les ressources manquantes sont compensées par les PC familles, qui sont toutefois plafonnées.
Rapport avec l'aide sociale
Le but prioritaire des PC est d'éviter à un certain nombre de familles de se retrouver à l'aide sociale, qui n'est pas adaptée aux parents qui travaillent et occasionne d'importants frais administratifs. «Ces personnes n'ont en principe pas besoin des mesures d'insertion socioprofessionnelles offertes par l'aide sociale, car elles sont déjà insérées sur le marché de l'emploi, relève Anouk Friedmann Wanshe, coordinatrice de politique familiale à l'Etat de Vaud. De plus, l'aide sociale ne valorise pas suffisamment leur activité professionnelle. Par un complément de revenu, les PC apportent aux familles qui travaillent un revenu disponible supérieur par rapport à une famille à l'aide sociale qui n'exerce pas d'activité.»
Cependant, des quatre cantons pionniers que sont le Tessin, Genève, Vaud et Soleure, seul Vaud exclut formellement le cumul des PC et de l'aide sociale, dans le but d'éviter la gestion de dossiers à double.
Afin d'inciter les bénéficiaires à travailler davantage, les quatre cantons «pionniers» tiennent compte d'un revenu hypothétique pour l'octroi des PC. Ainsi, en cas de travail à temps partiel, le canton de Genève fait son calcul sur la base de la moitié de la différence entre le revenu effectif et le salaire qui pourrait être touché à 100% (un montant fixe est toutefois pris en compte lorsqu'un des deux parents ne travaille pas). Dans le canton de Vaud, le revenu hypothétique est de 12700 fr. pour une famille monoparentale et de 24 370 fr. pour une famille biparentale. De plus, Vaud a prévu une franchise de 5% sur le revenu d'activité dépassant ces montants.
Activité lucrative
Certains cantons conditionnent l'octroi des PC à l'exercice d'une activité lucrative, d'autres non. Dans la première catégorie, on trouve Genève, qui exige un taux d'occupation minimale de 40% pour une famille monoparentale et de 90% pour une famille avec deux adultes (taux cumulés des adultes), et Soleure, où un revenu minimal doit être atteint (7500 fr. à 30 000 fr. par an en fonction de l'âge des enfants et du nombre de personnes adultes). Les cantons de Vaud et du Tessin n'exigent de leur côté pas de revenu minimal effectif, afin de ne pas créer d'effets de seuils indésirables. Mais, dans les faits, seules les familles disposant d'un salaire suffisamment élevé pourront, avec les PC, disposer d'un revenu leur permettant de se passer de l'aide sociale.
Age des enfants
Dans certains cantons, le montant des prestations varie en fonction de l'âge des enfants. C'est le cas de Vaud, qui prévoit des PC couvrant les besoins de base de toute la famille lorsque le ou les enfants ont moins de 6 ans, mais ne couvrant que les besoins des enfants lorsqu'ils ont plus de 6 ans. On part en effet du principe que les parents ont davantage de temps pour travailler lorsque leurs enfants ont atteint l'âge scolaire. Cette solution est inspirée du Tessin, qui a cependant fixé des tranches différentes: 0-3 ans et 4 à 15 ans, en raison de l'offre d'accueil à horaire continu dès 3 ans (scuola dell'infanzia).
Genève et Soleure n'échelonnent pas les PC en fonction des âges. Le premier les accorde aux familles avec enfants jusqu'à 18 ans (25 ans pour les jeunes en formation), le second les réservant aux familles avec enfants de moins de 6 ans.
Autre limite à l'octroi des PC:
il faut avoir son domicile ou sa résidence habituelle dans le canton depuis plusieurs années (cinq ans à Genève, trois ans dans les cantons de Vaud et du Tessin, deux ans à Soleure). Pas de restrictions, en revanche, basées sur l'état civil: est considérée comme famille toute communauté comprenant au moins un enfant. Et si les parents vivent séparément, c'est celui qui a la garde des enfants qui touche les PC.
Dépenses reconnues
Dans les grandes lignes, les dépenses reconnues pour le calcul des PC sont établies sur le modèle des PC AVS/AI: besoins vitaux (adaptés parfois selon des critères relevant de l'aide sociale), frais de logement (avec un plafond, qui correspond, à Vaud et à Genève, aux normes de l'aide sociale), primes d'assurance maladie obligatoire (sauf dans le canton de Vaud, qui prie les familles de faire une demande de subside pour la réduction des primes).
Les frais de garde d'enfants sont intégrés dans les dépenses à Soleure (à hauteur de 6000 fr. par an), mais pas dans les cantons de Genève, Vaud et du Tessin, qui remboursent ces frais à part à certaines conditions.
Les cantons ont fait leur propre évaluation du coût des PC et prévu leur financement. A Genève, 1700 familles devraient bénéficier de ces nouvelles prestations, soit une dépense de 31 millions de francs. Le financement sera assuré par le canton. Aucun référendum n'est annoncé et l'entrée en vigueur est prévue pour 2012.
Vaud estime à quelque 6000 le nombre de familles qui remplissent les conditions d'octroi des PC. Le coût, évalué à 49 millions de francs, devrait être supporté principalement par le canton et les communes (pour deux tiers), mais aussi par une cotisation paritaire prélevée sur les salaires à un taux de 0,06%. Cette nouvelle charge n'a pas plu aux milieux patronaux vaudois, à l'origine du référendum. Les Vaudois se prononceront le 15 mai prochain en votation populaire.
Trouvez la statistique ci-joint.