plaidoyer : L’attitude inflexible de l’Église sur ce secret de la confession est difficile à appréhender. Un assouplissement de cette obligation ne serait-il pas bienvenu?
Yves Mausen: Je suis toujours surpris de cette «difficulté», surtout de la part de juristes. Le droit pénal reconnaît et sanctionne le secret professionnel et ce pour un grand nombre de professions: médecins, avocats… et ecclésiastiques6.
plaidoyer : Certes, mais cette affirmation pourrait être tempérée, une violation de ce secret étant admise dans certains cas7.
Yves Mausen: Encore faut-il distinguer entre, d’un côté, l’obligation et, de l’autre, l’autorisation de le trahir. Tout cela est récent. En Suisse, le droit d’aviser ou de collaborer avec une autorité est notamment prévu dans le cadre de la protection de l’enfant8. Mais les membres des professions soumises au secret n’ont pas l’obligation de dénoncer. Ils peuvent et doivent se déterminer en conscience, voilà tout. C’est vrai aussi en France. La loi est claire9 et la jurisprudence depuis 1810 constante. Pour les ministres du culte, elle va même au-delà du secret de la confession10. Certains membres de la Ciase pensent pouvoir se fonder sur des arrêts de la Cour de cassation de 201111 et 201312, pour développer l’idée d’une obligation de révélation, mais cela me semble très spécieux. Un rapport du Sénat de 202013 enjoint au contraire de «préserver les règles actuelles». Le principe du secret reste donc intouchable. Une exception est admise lorsque la personne en question a été déliée de son obligation, soit directement par le maître du secret, soit sur proposition de celui-ci, par l’autorité compétente14. Dans ce cas, il y a aussi obligation de collaborer15. Mais le secret de la confession s’impose de façon absolument inviolable16, sans personne pour pouvoir en autoriser la levée. Donc, si le but est d’en finir avec le secret de la confession, il faudrait pouvoir changer la loi aussi bien du côté de l’État, que du côté de l’Église17.
plaidoyer : D’autres pistes peuvent-elles être envisagées?
Aatrid Kaptijn: Il est essentiel pour l’État que les crimes graves soient dénoncés. Nous pourrions nous interroger sur la mise en œuvre de moyens pour régler ce problème sans abandonner le secret de la confession. Il ne faut pas omettre que la confession permet de libérer la parole, avec la garantie du maintien du secret. Il en va de la protection de la réputation de la personne. En outre, la solution doit être articulée différemment en fonction de celui qui se confie. On ne saurait traiter de manière analogue l’agresseur ou la victime. Il est d’abord essentiel d’inviter la personne à parler hors de la confession. S’il s’agit d’une victime, le prêtre pourra ensuite inciter la personne à aviser les autorités judiciaires et éventuellement l’accompagner dans cette démarche. Délivrer un numéro de téléphone et accompagner la victime en dehors de la confession représentent aussi des options intéressantes. La situation devient plus complexe avec les agresseurs. Cette question est devenue d’autant plus prégnante depuis que l’État du Queensland, en Australie, a obligé les prêtres à passer outre le secret de la confession en cas d’abus sexuels sur mineurs. Refuser l’absolution à un agresseur tant qu’il ne s’est pas dénoncé aux autorités ne saurait être considéré comme une solution viable. Cette option n’est par ailleurs pas soutenue par le Saint-Siège. Il ne faut toutefois pas sous-estimer la valeur de l’entretien se déroulant dans la confession. Le prêtre est, pour ainsi dire, à la fois juge et médecin. Il devrait convaincre l’agresseur de se dénoncer aux autorités judiciaires, mais, malheureusement, il n’aura aucune garantie par rapport à cette démarche. Cependant, cette difficulté doit être relativisée: peu de prêtres pédocriminels viennent se confesser. La plupart des auteurs d’agression n’ont pas conscience de la gravité de leur acte.
Yves Mausen: Je pense aussi que la confession peut représenter une étape essentielle pour amener le délinquant à la raison. C’est un premier pas qu’il aura fait lui-même. Il appartient ensuite au confesseur de l’amener à aller plus loin, à suivre une thérapie, voire à se dénoncer. Certes, l’absolution conditionnelle n’est pas envisageable. Mais je me demande si le canon 980, qui permet au confesseur de refuser l’absolution s’il a un doute sur les dispositions du pénitent, ne pourrait pas être mis en œuvre.
plaidoyer : Des structures auxquelles les victimes peuvent s’adresser ont-elles été mises en place?
Astrid Kaptijn: En France, depuis 2016, des cellules d’écoute composées de médecins, juristes, psychologues ont été mises en place. La Ciase s’est intéressée au degré d’indépendance de ces cellules d’écoute. Nous avons constaté que, dans certains diocèses, le vicaire général relève les courriels de signalement. Il peut ainsi décider seul d’y donner suite ou pas. L’indépendance reste donc un point critique pour l’heure. Le pape François a émis une proposition quant à l’établissement d’un bureau de signalement, permettant la prise en compte du signalement et sa transmission à l’évêque. Ce point doit être suivi. Par ailleurs, les victimes ne sont pas suffisamment informées. Elles ignorent quelle suite est donnée à leur signalement et ne connaissent pas leurs droits procéduraux. A titre d’exemple, une liste d’avocats ecclésiastiques leur est délivrée sans information sur le libre choix de l’avocat (avocats acceptés par le diocèse). Cependant, parmi les bonnes initiatives, dans plusieurs diocèses, des protocoles de collaboration ont été signés avec le parquet. L’information doit ainsi être transmise en cas de signalement. L’intérêt principal provient de l’échange d’informations, bénéfique pour les deux parties. Le garde des sceaux a incité les diocèses à signer plus d’accords de ce type.
plaidoyer : La question de la justice restaurative a-t-elle été abordée?
Astrid Kaptijn: Effectivement, la Ciase s’est penchée sur cette question. Il s’agit d’abord de la reconnaissance des faits et de la responsabilité de l’Église, la question d’une éventuelle indemnité financière venant après. Il est intéressant de constater que l’Église prend aujourd’hui acte de la nécessité de l’externalisation de certaines tâches. Cette prise de conscience des compétences hors de l’Église permettra d’assurer une gestion plus indépendante.
Yves Mausen: Le suivi des victimes reste un point très délicat. L’Église a pour but de sauver les âmes et a, dans cette mesure, une responsabilité à l’égard des victimes. Elle doit tout faire pour que celles-ci ne perdent pas confiance en elle, malgré ce qui leur est arrivé. Pour cela, elle dispose d’un moyen d’action que l’État ignore et qui me semble le cadre idéal pour une démarche réparatrice: l’accompagnement pastoral. Bien sûr, écouter la victime ne suffit pas. Il faut aussi l’informer que l’Église est gravement préoccupée de l’agression subie et que le châtiment du coupable ne saurait être exclu.
plaidoyer : De nombreux ecclésiastiques peinent avec la notion de sanction, en apparente opposition avec la miséricorde, n’est-ce pas?
Yves Mausen: Oui. J’y vois un parallèle avec les cas des nullités de mariage. Il ne faut pas déclarer nuls des mariages par complaisance envers les parties demanderesses, s’agissant d’une fausse conception de la charité. La vérité du sacrement du mariage consiste en son indissolubilité. La charité vraie exige, le cas échéant, d’aider les époux à se confronter à cette vérité et à l’accepter, malgré l’échec de leur union. Il en va de même du châtiment. La justice de l’Église diffère de celle de l’État dans la mesure où elle vise d’abord et avant tout l’amendement du coupable en vue du salut de son âme. En ce sens, punir devient un acte pastoral en raison de la prise de conscience par le coupable de sa faute et de la nécessité de changer. Ce processus demeure indispensable malgré sa dureté. Quand bien même les évêques se voient comme les pères de leurs prêtres, il n’en reste pas moins qu’ils doivent faire preuve d’intransigeance. La fausse miséricorde, le pardon complaisant n’ont pas leur place ici. Les derniers textes du pape François soulignent cette importance de la sanction. Il est primordial que tous les juges en prennent conscience. Je suis convaincu que la véritable réforme du droit pénal canonique se joue ici, dans ce changement des mentalités face à la punition.
Astrid Kaptijn: J’opine. Je me permets de citer que la justice la plus parfaite est celle qui sait conjuguer justice et miséricorde. La charité ne saurait être assimilée au pardon. Il s’agit plutôt de confronter la personne à ses responsabilités. Cette opposition entre la sanction et la charité n’a donc pas lieu d’être.
plaidoyer : Le célibat des prêtres est souvent pointé du doigt. Un terreau favorable serait-il ainsi créé pour les pédophiles?
Astrid Kaptijn: Des Églises ignorant le célibat connaissent les mêmes problèmes. La levée du célibat n’est donc pas une garantie. Le célibat a peut-être pu favoriser, voire faciliter certaines attitudes. Des profils particuliers peuvent être attirés par la «carrière» ecclésiastique. Il est vrai, le clergé comporte parmi ses membres des personnes homosexuelles. De la même manière, il se pourrait que d’autres personnes ayant des tendances pédophiles soient amenées à le rejoindre. Il faut aussi voir cela sous l’angle du développement de l’Église. A l’époque, de nombreux petits séminaires fonctionnaient en vase clos, avec les problématiques qui en découlent.
Yves Mausen: Il y a ou il y a eu un terrain favorable. Plutôt que de viser les structures, une amélioration pourrait d’abord être réalisée lors du recrutement.
plaidoyer : La question des laïcs demeure…
Astrid Kaptijn: J’ai le sentiment que la prise de conscience de possibles abus par des laïcs est moins grande. Mais dans ce cadre aussi, il faut apporter des garanties au moment de la formation. Une obligation de signalement existe pour toute personne au sein de l’Église. C’est l’affaire de tous.
Yves Mausen: Un tiers des cas recensés par la Ciase concerne des laïcs. La dénonciation existait dans l’ancien Code de droit canonique de 1917. En 1983, cette disposition a été abolie. Certes, la doctrine continue à souligner que le devoir de dénoncer perdure. Il serait toutefois souhaitable que la véritable charité de la «correction fraternelle»18 soit expressément et juridiquement réaffirmée.
Astrid Kaptijn: Fort heureusement, le Pape a édicté de nouvelles directives en 2019, par un motu proprio19 encourageant le public à signaler les actes pédophiles et obligeant les clercs et religieux à le faire.
Yves Mausen: Elles ne sont toutefois pas reprises dans la réforme actuelle. Le cadre de vie du clergé, les maisons des instituts religieux sont un cadre extrêmement favorable à la surveillance mutuelle. Il serait aisé d’instaurer un contrôle à l’entrée, puis un suivi.
plaidoyer : La révision du CIC apporte déjà des clés mais cette remouture est antérieure à la création de la Commission Sauvé, est-ce exact?
Astrid Kaptijn: Bien sûr. On pourrait dire que la révision actuelle a été initiée en 2007 par le pape Benoît XVI, qui a donné mandat au Conseil pontifical des textes législatifs de réviser cette partie du Code. Mais en fait, l’évolution avait commencé plus tôt encore, d’abord aux Etats-Unis, au début des années 1990. En réaction aux premiers scandales qu’il y avait eu là-bas, toute une série de textes avaient été édictés au niveau local, dont les mesures avaient ensuite été étendues à l’Irlande et, pour finir, au monde entier. L’Église a pris conscience également depuis longtemps que son droit pénal n’était que peu appliqué. En 2001 déjà, le pape Jean-Paul II avait publié un motu proprio portant, entre autres, sur les actes pédocriminels. En 2010, de nouvelles normes avaient été promulguées, visant notamment l’accélération des procédures et l’extension du délai de prescription de dix à vingt ans après la majorité de la victime. Ces règles et d’autres, plus récentes, de nouvelles incriminations par exemple, n’avaient pas encore été intégrées dans le Code. L’augmentation du nombre de laïcs au service de l’Église n’avait pas non plus été prise en compte jusque-là, si bien que leurs éventuels actes délictueux n’étaient pas sanctionnés.
Yves Mausen: C’est exact, il y a eu ce déclic aux Etats-Unis. Nous pourrions même remonter beaucoup plus loin. Le Décret de
Gratien, qui date du XIIe siècle, punissait déjà la pédophilie! Plus près de nous, en 1922, le Saint-Office (sous sa nomenclature actuelle: la Congrégation pour la doctrine de la foi) a adressé une instruction aux évêques, réimprimée en 1962, traitant notamment des délits qui nous intéressent ici.
Astrid Kaptijn: Avec ce qui s’est passé aux Etats-Unis, les choses sont subitement devenues plus concrètes. Et depuis 2001, ces démarches, locales, se sont muées en un mouvement global. Il faut souligner que l’Église était, à ce moment-là, en avance sur son temps! Certains membres de la Ciase l’ont relevé, à juste titre, au regard de la société française.
Yves Mausen: Même en 2010, l’Église reste en avance sur la plupart des États, en imaginant par exemple l’imprescriptibilité pour les crimes pédophiles, puisque la prescription de vingt ans peut, le cas échéant, être levée. Aujourd’hui, l’Église semble réagir aux médias et à l’indignation sociale. Mais l’histoire montrera son rôle précurseur. Et j’ai l’impression que l’inimitié qu’elle s’attire sert aussi de catalyseur au sein de la société civile, pour ne plus tolérer nulle part les agressions pédophiles.
plaidoyer : Le déclencheur des réflexions actuelles provient-il de réflexions internes à l’Église, uniquement?
Astrid Kaptijn: En fait, l’Église a surtout réagi à la pression des États, voire des médias. A titre d’exemple, des commissions étatiques ont pris les rênes en Irlande, en Belgique et en Australie. En France, une commission du Sénat a enquêté quelques années après l’affaire Preynat. Les évêques ont nommé une commission d’enquête indépendante ensuite.
plaidoyer : Si nous revenons à la structure du CIC, pour quelle raison la sanction sur les crimes pédophiles se trouvait-elle dans la catégorie des délits contre des obligations spéciales?
Astrid Kaptijn: Une de ces obligations spéciales vise le célibat des prêtres. Dans la Commission, nous avions signalé qu’une reclassification était importante. L’offense contre le sixième commandement provient historiquement de l’adultère. Cette infraction a ensuite été très largement étendue pour intégrer d’autres offenses à caractère sexuel. La commission «Sauvé» et d’autres commission ont relevé l’absence de mention de la victime. Cette disposition, classée sous ce titre, ne concernait que le potentiel auteur. Une classification sous le cinquième commandement aurait été tout à fait sensée vu l’atteinte à l’intégrité physique et psychique. Ce n’est malheureusement pas le cas. Le titre a certes changé, mais il est toujours question de délit contre le sixième commandement. A mon avis, ce n’est pas abouti. Il faut nommer les choses par leurs noms. L’Église y peine pour l’heure.
Yves Mausen: Je précise que le renvoi au sixième commandement se justifiait avant, lorsque le code ne prenait en compte que les délits commis par les clercs, car il s’agissait alors d’un adultère symbolique, commis en violation de leur «mariage» avec l’Église. Mais le nouveau canon 1398 intègre aussi le délit sexuel commis par n’importe quel fidèle qui travaille pour l’Église. Dès lors, il ne s’agit en effet plus seulement d’une obligation spéciale.
plaidoyer : Quel est le rôle de l’Église, si elle ne dispose pas des outils pour l’exécution de la peine?
Yves Mausen: L’Église s’est parfois décrite comme une société «perfecta», au sens de «complète», comme un État avec toutes ses institutions. On en a abandonné la vision et notamment négligé le pouvoir judiciaire et les sanctions pénales. Je veux parler ici de l’éventail des peines. Aujourd’hui, le transfert à un autre office est abrogé comme peine (nouveau canon 1336) et la privation de l’office devient la peine légale pour les délits nous intéressant (nouveau canon 1398). Des signes sont ainsi posés, ils donnent l’esprit de la réforme et répondent aux revendications de la société civile. Mais il y aussi toujours la peine privative de liberté (canon 1336, §2, 1°) et, à nouveau, en cas de risque de récidive, des mesures de vigilance (nouveau canon 1339, §5 s.). Ces dernières sont un bon exemple de l’évolution du droit pénal de l’Église: elles existaient en 1917 (canon 2311), ont été abandonnées en 1983, et sont maintenant réintroduites.
plaidoyer : Le partage des compétences entre clercs et laïcs au sein des tribunaux devrait être discutée…
Astrid Kaptijn: C’est discuté en France. Les évêques ont eu l’idée de créer un tribunal pénal pour tous les délits. Cela permet de regrouper les spécialistes et assure l’indépendance en sortant du niveau local. En effet, un confrère n’est pas obligé de juger un collègue du même diocèse. Cela pourrait aussi inspirer d’autres pays.
plaidoyer : Dès lors, quels sont les moyens d’action concrets?
Astrid Kaptijn: En Suisse, la Conférence des évêques, en collaboration avec la conférence des supérieurs religieux, est en train de mettre en place un projet-pilote pour étudier la question des abus sexuels dans l’Église. Ensuite, chaque diocèse fait ce qu’il lui semble bon, comme à
Fribourg, où Mgr Morerod a fait appel à une ex-policière pour étudier et trier les dossiers. Une évaluation régulière reste toutefois essentielle en termes de prévention, les conclusions de la Ciase vont dans ce sens. Dans le diocèse de Bâle, l’évêque a nommé deux personnes laïques du côté francophone à qui les victimes peuvent s’adresser pour trouver une écoute. Des choses se mettent en place, en conjonction avec les mesures déjà existantes.
plaidoyer : La forte hiérarchisation n’est-elle pas problématique? Ne devrait-on pas repenser les processus décisionnels?
Astrid Kaptijn: Ça dépend comment on se positionne. Si on part de l’idée qu’un évêque ne peut pas tout faire, il devra effectivement collaborer avec chacun. Une certaine transparence est également requise, tout en gardant en tête une certaine pondération. En effet, la transparence pleine et entière n’est pas toujours possible. Un effort d’information pourra être réalisé autant que possible. En outre, la reddition des comptes (accountability) pourrait être instaurée de manière plus horizontale. Pour l’heure, l’évêque rend des comptes au Pape, mais pas à ses collaborateurs ou aux fidèles dans son diocèse. Une réflexion devrait être initiée sur le profil des évêques.
Yves Mausen: Il n’en demeure pas moins que l’Église ne pourra jamais devenir démocratique. Mais elle est une société de communion et il ne faut pas l’oublier non plus. De toute façon, la réponse ne réside pas dans un changement de structure ou d’organisation. L’action actuelle de l’Église montre qu’elle sait affronter les problèmes franchement. Il y a, aujourd’hui, pour les catholiques, lieu d’être fiers de leur Église. Il ne reste plus qu’aux bonnes volontés de l’aider à traduire cette réforme pénale en actes.
Astrid Kaptijn: Des moyens de «rééquilibrage» existent. L’avis des laïcs peut être pris en considération lors de la préparation des décisions, en amont et aussi en aval. Responsabiliser les gens en ce sens est important. y
Astrid Kaptijn, a achevé une formation en théologie avant de s’orienter vers le droit canonique à Strasbourg, puis à Paris. La professeure s’est ensuite spécialisée en droit canonique oriental à Rome1. Elle a notamment enseigné à Paris avant sa nomination à la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg. Outre la charge de la Chaire de droit canon, Madame Kaptijn est juge au Tribunal interdiocésain suisse2. Cette spécialiste de droit canon a par exemple défendu en Suisse, en tant qu’avocate ecclésiastique, un prêtre accusé d’avoir commis des actes pédophiles. Elle a aussi œuvré en tant que membre de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (ci-après: Ciase) qui a donné lieu au rapport «Sauvé», récemment publié3.
Yves Mausen est spécialiste de droit médiéval. Tout comme la professeure Kaptijn, il a été et est encore très actif à l’étranger. Anciennement professeur agrégé à l’Université de Montpellier, il est aujourd’hui titulaire de la Chaire d’histoire du droit et de droit des religions à l’Université de Fribourg. Il a été nommé par la Province suisse des Capucins dans une commission indépendante d’enquête, pour faire la lumière sur l’affaire Allaz4. Yves Mausen a aussi été nommé défenseur du lien5 auprès de l’Officialité diocésaine.
1 Le Code des canons des Églises orientales, promulgué le 18 octobre 1990, régit le fonctionnement interne des Églises catholiques orientales et formalise la reconnaissance, établie lors du Concile de Vatican II, de leurs spécificités. Il est l’une des deux sources principales du droit de l’Église catholique. L’autre est le Code de droit canonique (Codex iuris canonici, ci-après: CIC), promulgué le 25 janvier 1983 par Jean-Paul II, qui est le reflet juridique de la théologie du Concile de Vatican II. Il ne sera ici question que de ce dernier texte.
2 Le Tribunal interdiocésain suisse ou l’Officialité interdiocésaine suisse (eveques.ch) représente l’instance judiciaire de second degré. Comme tous les tribunaux d’Église, il a essentiellement à traiter des affaires matrimoniales. Chaque diocèse – et celui de Lausanne, Genève et Fribourg n’y fait pas exception (diocese-lgf.ch) – dispose d’un tribunal spécifique, également dénommé Officialité, qui traite les affaires en première instance. Comparables au Tribunal fédéral, les tribunaux de la Curie romaine jugent en dernière instance.
3 La Ciase a remis son rapport après deux ans et demi d’enquête, en date du 5 octobre 2021. Cette Commission avait été créée à la demande de la Conférence des Evêques de France (CEF) et de la Conférence des religieux et religieuses de France (CORREF). Trois objectifs centraux étaient visés: l’établissement des faits, la compréhension et la mise en œuvre de mesures de prévention. Voir ciase.fr.
4 cath.ch/newsf/commission-dexperts-chargee-de-faire-lumiere-laffaire-allaz/ (consulté le 16.11.2021, à 14:00).
5 L’office de défenseur du lien constitue une branche du ministère public auprès des tribunaux ecclésiastiques, visant, dans les affaires matrimoniales, à défendre la sacramentalité et l’indissolubilité du lien du mariage.
6 Art. 320s. CP.
7 Sur la question: Samuel Lüthi, La levée du secret professionnel d’un ecclésiastique, in: Quid? 1/2019, https://student.unifr.ch/quid/de/assets/public/Luethi_Quid_1_2019.pdf (consulté le 16.11.2021, à 14:18).
8 Art. 314c et 314e CC.
9 Art. 226-13, 434-1 et 434-3 CP.
10 Cf.http://www.justice.gouv.fr/bulletin-officiel/3-dacg95c.htm (consulté le 16.11.2021, à 14:56).
11 Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 avril 2011, 10-82.200.
12 Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 octobre 2013, 12-80.793
13 Rapport d’information n° 304 de Mmes Maryse Carrère, Catherine Deroche, Marie Mercier et Michelle Meunier, sur l’obligation de signalement par les professionnels astreints à un secret des violences commises sur les mineurs, 5 février 2020, in:www.senat.fr/rap/r19-3041.pdf (senat.fr), consulté le 25.11.2021, à 11: 41.
14 Art. 320, 2 et 321, 2 CP.
15 Art. 314e, 3 CC.
16 Canon 983, §1.
17 Une proposition invitant à une levée du secret des ecclésiastiques avait été rejetée par le Conseil national en 2012 (Initiative parlementaire Carlo Sommaruga 10.540, Secret professionnel des ecclésiastiques).
18 Évangile selon Matthieu, 18, 15-18.
19 Lettre apostolique issue de la propre initiative du pape, source importante de législation dans l’Église. Il s’agit en l’espèce de Vos estis lux mundi, du 7 mai 2019 (art. 2 s.).