Actualité brûlante?
Quoique… cette affirmation reviendrait à omettre que les discussions sur l’obligation vaccinale ne datent pas de la crise sanitaire liée au Covid-19. Et de citer la piqûre de rappel de la Cour européenne des droits de l’Homme quant à la vaccination infantile contre la rougeole, la poliomyélite et j’en passe (plaidoyer 3/21, p. 50). Nous aurions tout aussi tort de soudain nous émouvoir sur l’accès aux données liées au certificat Covid, bien qu’il soit on ne peut plus justifié d’y jeter un coup d’œil attentif. Des sonneurs de cloches ne sont pas venus lors de l’échec de la révision de la loi sur la protection des données, exposant les petits Suisses aux appétifs des insatiables GAFAM. Il aurait pourtant été de bon ton de crier au scandale.
Certes, la loi COVID et son train d’ordonnances ont tranché, interdit, voire isolé une strate de population. Et la protection de la santé publique a brutalement pris le pas sur d’autres libertés. L’accès à des manifestations culturelles a été suspendu, le droit de manifester restreint (plädoyer, 4/21). La pilule reste difficile à avaler, mais offre, dans le même temps, un espace de réflexion sur la signification profonde de la liberté pour les particules élémentaires que nous sommes.
Veillons à ne pas confondre individualisme et liberté individuelle dans ce délicat processus sociétal. Et offrons-nous le luxe de prendre du recul et d’admettre que nous sommes chacun•e les notes d’une œuvre symphonique, obéissant à des règles pour ne pas sonner faux.
Le droit antagoniste
Elément troublant, le droit joue un rôle schizophrénique. Les profanes du droit, et les juristes, sans nul doute, seront bien empruntés à ce sujet: le droit est à la fois défenseur de libertés et canalisateur de ces mêmes libertés.
En parangon du droit naturel, la Constitution fédérale et les textes internationaux s’entrechoquent aux lois et aux ordonnances, métronomes de la partition de la symphonie. Aristote, dans sa Rhétorique I, 3 marque cette dichotomie: «La définition du juste et de l’injuste se rapporte à deux sortes de lois (…). Je veux parler de la loi particulière et de la loi commune. La loi particulière est celle que chaque collection d’hommes détermine par rapport à ses membres (…). La loi commune est celle qui existe conformément à la nature. En effet, il y a un juste et un injuste, communs de par la nature, et que tout le monde reconnaît par une espèce de divination (…).»
L’équerre et le compas
D’abord, les règles de droit serviraient de tuteur sociétal, garantissant la paix et la sécurité, aussi comprise au sens de santé publique. L’origine étymologique illustre très bien ce cadre. En effet, le terme «norme» provient du mot latin gnomon (équerre). La restriction de la liberté personnelle est intrinsèquement liée à la morale. Kant, dans sa Doctrine du droit, rappelle: «Agis extérieurement de telle sorte que le libre usage de ton arbitre puisse coexister avec la liberté de tout un chacun suivant une loi universelle.» Le droit suivra, en externalisant ce précepte moral. Sur l’autre rive, des libertés si chères ont, à n’en point douter, inspiré un grand nombre de carrières juridiques. Les restrictions sanitaires ont douloureusement rappelé que ces libertés pouvaient être réduites, à bon escient ou pas… au nom du droit à la vie. Est-il juste d’opposer ces libertés ou sont-elles des éléments intrinsèques d’un ensemble? Se laisser aller à l’émotion est certes naturel, humain. On ne saurait oublier les enjeux centraux, afin d’éviter la rupture sociale. Dès lors, comment trouver le juste équilibre, alors que nous savons pertinemment que le Covid nous accompagnera à très long terme?