La dernière: Une directive très secrète à Genève
Sommaire
Plaidoyer 06/2014
14.11.2014
Dernière mise à jour:
20.11.2014
Suzanne Pasquier
Le bras de fer se poursuivait, à l’heure de mettre ce journal sous presse, entre l’Association des juristes progressistes (AJP) et le Ministère public genevois, au sujet de la directive Jornot régissant les peines pour séjour illégal. La première demandait de pouvoir consulter la directive sur la base de la loi sur l’information du public et l’accès aux documents (LIPAD), le second s’y opposait fermement en invoqua...
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AbonnementLe bras de fer se poursuivait, à l’heure de mettre ce journal sous presse, entre l’Association des juristes progressistes (AJP) et le Ministère public genevois, au sujet de la directive Jornot régissant les peines pour séjour illégal. La première demandait de pouvoir consulter la directive sur la base de la loi sur l’information du public et l’accès aux documents (LIPAD), le second s’y opposait fermement en invoquant la confidentialité du texte. L’association s’appuyait sur la recommandation du Préposé cantonal à la protection des données, mais le Procureur Jornot en appelait aux conditions particulières que la LIPAD prévoit pour les institutions judiciaires.
A la fin de l’été, le litige semblait réglé par un tour de passe-passe, puisque l’objet du litige… disparaissait. Le Ministère public annonçait en effet que la directive Jornot n’imposerait plus de peines privatives de liberté en cas d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers. L’élément le plus décrié par l’AJP passait donc à la trappe. Une victoire pour l’association, sans aucun doute. Mais celle-ci n’a pas enterré la hache de guerre pour autant. Elle a dénoncé une manœuvre tactique pour éviter de rendre publique la directive. Le Procureur s’en est défendu, expliquant son revirement d’attitude par une accalmie sur le front des récidivistes sans papiers. Sa politique de lutte contre les délinquants multirécidivistes a eu tellement de succès qu’il peut relâcher la pression. Et cela, n’a bien entendu, rien à voir avec les démarches pressantes d’un groupe de juristes.
Et ceux-ci de repartir à l’assaut en exigeant de nouveau de pouvoir consulter la directive, se demandant si elle contient des peines fixées à l’avance. Et le procureur de réitérer son refus, la confidentialité étant, à ses yeux, indispensable à la réussite de sa stratégie pénale. Une fois de plus, le Préposé genevois à la protection des données est saisi. Et sa recommandation tombe, inchangée: le Ministère public n’a pas démontré en quoi la transmission de la directive représente un risque pour la sécurité publique. Il doit donc accéder à la demande de consultation du document.
Mais il n’ y a pas eu qu’une association de juristes déterminés pour manifester son opposition à la peine d’emprisonnement pour séjour illégal. Le Tribunal de police de Genève n’a pas non plus trouvé cette sanction à son goût. Il a admis, du moins partiellement, le recours d’un couple de Brésiliens sans papiers, travaillant en Suisse depuis plusieurs années, qui avait été enfermé pour séjour illégal, sans même qu’on lui demande, au préalable, de quitter le territoire. La peine a été muée en travail d’intérêt général.