Droit administratif
Protection de l’anonymat
La Cour de droit administratif du Tribunal cantonal vaudois rejette le recours interjeté par un conseiller municipal montreusien. L’intéressé exigeait la transmission de l’identité des pétitionnaires, conformément au principe de la transparence et se plaignait d’une mauvaise application de l’article 16 de la loi cantonale vaudoise du 24 septembre 2020 sur l’information (LInfo; BLV 170.21.1). Les juges précisent, à cette occasion, que le requérant ne fait valoir aucun intérêt privé prépondérant permettant de justifier la communication des noms et des adresses des pétitionnaires. La Cour ajoute ensuite que la garantie du droit de pétition protège ses auteurs de tout préjudice, notamment
d’éventuelles représailles après la transmission de leur identité.
Etat de fait
Au début de l’année 2020, diverses personnalités ont lancé «l’Appel de Pâques» pour l’accueil des réfugiés des camps des îles grecques de la mer Egée, en raison des conditions d’hébergement inhumaines sur le camp de Moria, à Lesbos. Cet appel a été relayé par des habitants de Montreux, puis soutenu par la Municipalité de Montreux. Des suites de ce soutien, un conseiller communal a demandé la transmission d’informations en lien avec «l’Appel». La Municipalité a partiellement accédé à cette demande en procédant à l’anonymisation des copies des pétitions et des courriers.
Extrait des considérants
2. Le recourant se plaint en substance d’une mauvaise application de la LInfo et spécialement de son art. 16.
a) La décision attaquée a été rendue sur la base de la loi sur l’information, qui garantit la transparence des activités des autorités afin de favoriser la libre formation de l’opinion publique (art. 1 al. 1 LInfo). Elle fixe les principes, les règles et les procédures liées à l’information du public et des médias sur l’activité des autorités, notamment l’information remise à la demande des particuliers (art. 1 al. 2 let. b LInfo). A propos du cadre légal, il y a lieu de rappeler ce qui suit. Selon l’art. 8 al. 1 LInfo, les renseignements, informations et documents officiels détenus par les organismes soumis à la loi, en particulier l’administration cantonale, sont par principe accessibles au public. Par document officiel, on entend tout document achevé, quel que soit son support, qui est élaboré et détenu par les autorités, qui concerne l’accomplissement d’une tâche publique et qui n’est pas destiné à un usage personnel (art. 9 al. 1 LInfo). Le droit à l’information institué par la LInfo n’est toutefois pas absolu. La LInfo réserve les intérêts publics ou privés prépondérants (art. 16 al. 1 LInfo). Les intérêts publics sont en cause lorsque la diffusion d’informations, de documents, de propositions, d’actes et de projets d’actes est susceptible de perturber sensiblement le processus de décision ou le fonctionnement des autorités (art. 16 al. 2 let. a LInfo); une information serait susceptible de compromettre la sécurité ou l’ordre public (art. 16 al. 2 let. b LInfo); le travail occasionné serait manifestement disproportionné (art. 16 al. 2 let. c LInfo); les relations avec d’autres entités publiques seraient perturbées dans une mesure sensible (art. 16 al. 2 let. d LInfo). Sont réputés intérêts privés prépondérants la protection contre une atteinte notable à la sphère privée, sous réserve du consentement de la personne concernée (art. 16 al. 3 let. a LInfo); la protection de la personnalité dans des procédures en cours devant les autorités (art. 16 al. 3 let. b LInfo), le secret commercial, le secret professionnel ou tout autre secret protégé par la loi (art. 16 al. 3 let. c LInfo).
b) Dans le cas d’espèce, le recourant, qui a obtenu certains documents, constate cependant que ceux-ci ont été anonymisés; il souhaite, par le biais du pourvoi, obtenir l’identité des pétitionnaires.
Les noms et adresses sont des données personnelles, selon la définition de l’art. 4 al. 1 ch. 1 de la loi du 11 septembre 2007 sur la protection des données personnelles (LPrD; BLV 172.65): il s’agit en effet d’informations qui se rapportent à des personnes identifiées. Ces informations sont contenues dans un fichier au sens de l’art. 4 al. 1 ch. 7 LPrD, à savoir un «ensemble structuré de données personnelles accessibles selon des critères déterminés».
Dans le champ d’application de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; RS 235.1), à savoir lorsque le traitement des données concernant des personnes physiques et morales est effectué par des organes fédéraux (cf. art. 2 al. 1 let. b LPD), la réglementation relative à la communication de données personnelles à des tiers (art. 19 LPD) fixe certaines restrictions, à l’art. 19 al. 1 LPD; mais cette norme contient une prescription spéciale à l’art. 19 al. 2 LPD, qui dispose que «les organes fédéraux sont en droit de communiquer, sur demande, le nom, le prénom, l’adresse et la date de naissance d’une personne même si les conditions de l’al. 1 ne sont pas remplies». Une telle clause n’a pas été prévue en droit cantonal vaudois (cf. Exposé des motifs du projet de loi sur la protection des données personnelles, in Bulletin du Grand Conseil, tome 1, juin-octobre 2007, p. 156). En droit privé, il n’y a pas non plus d’équivalent à l’art. 19 al. 2 LPD (cf. Philippe Meier, Protection des données, Berne 2011, N. 423 p. 199). Les données que le recourant veut connaître ne sont donc pas des «données libres».
c) La communication du fichier de noms et d’adresses est partant soumise aux conditions énoncées à l’art. 15 LPrD, qui est ainsi libellé:
«Art. 15 Communication
1 Les données personnelles peuvent être communiquées par les entités soumises à la présente loi lorsque:
a. une disposition légale au sens de l’article 5 le prévoit;
b. le requérant établit qu’il en a besoin pour accomplir ses tâches légales;
c. le requérant privé justifie d’un intérêt prépondérant à la communication primant celui de la personne concernée à ce que les données ne soient pas communiquées;
d. la personne concernée a expressément donné son consentement ou les circonstances permettent de présumer ledit consentement;
e. la personne concernée a rendu les données personnelles accessibles à tout un chacun et ne s’est pas formellement opposée à leur communication; ou
f. le requérant rend vraisemblable que a personne concernée ne refuse son accord que dans le but de l’empêcher de se prévaloir de prétentions juridiques ou de faire valoir d’autres intérêts légitimes; dans ce cas, la personne concernée est invitée, dans la mesure du possible, à se prononcer,
préalablement à la communication des données.
2 L’alinéa 1 est également applicable aux informations transmises sur demande en vertu de la loi sur l’information.
3 Les autorités peuvent communiquer spontanément des données personnelles dans le cadre de l’information au public, en vertu de la loi sur l’information, à condition que la communication réponde à un intérêt public ou privé prévalant sur celui de la personne concernée.»
Dans le cas particulier, la transmission du fichier – demandée en vertu de la loi sur l’information (cf. art. 15 al. 2 LPrD) – n’entrerait en considération qu’au titre de l’art. 15 al. 1 let. c LPrD. Il faut donc que le requérant privé justifie d’un intérêt prépondérant à la communication des noms et adresses.
Certes, le droit d’accès institué à l’art. 8 al. 1 LInfo n’est en principe pas soumis à des conditions particulières, notamment à l’existence d’un intérêt à la consultation de documents publics; la demande de consultation ne doit d’ailleurs pas être motivée (art. 10 al. 1 LInfo). On pourrait donc discerner une contradiction entre les deux dispositions précitées et cette exigence (découlant notamment de l’art. 16 LInfo) de justifier d’un intérêt prépondérant par rapport à la protection de la sphère privée pour obtenir la consultation. Dans un arrêt du 4 décembre 2019 (1C_136/2019; rendu en la cause GE.2018.02045), le Tribunal fédéral a jugé ce qui suit à ce propos (consid. 2.4):
«La sphère privée et les données personnelles sont en effet protégées par l’art. 13 al. 1 et 2 Cst., et il ne peut donc y être porté atteinte par l’autorité qu’aux conditions de l’art. 36 Cst., soit notamment au terme d’une pesée d’intérêts et dans le respect du principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.). Dans le cadre de cette pesée d’intérêts, il y a lieu de prendre en compte, d’une part, la motivation de la demande de consultation et, d’autre part, la gravité de l’atteinte aux droits de la personnalité qu’elle est susceptible d’occasionner (arrêt 1C_225/2019 du 27 juin 2019 consid. 5.2).
Quant à la notion de données personnelles,il n’ya rien d’arbitraire à se référer, dans le cadre de la même pesée d’intérêts, à la norme applicable dans ce domaine (cf. ATF 144 II 91 consid. 4.2 p. 103 s. s’agissant du rapport entre l’art. 7 al. 1 LTrans et la définition de l’art. 3 LPD), l’art.15 al. 2 LPrD comportant un renvoi explicite dans ce sens. Le recourant ne conteste pas, au demeurant, que les noms et, le cas échéant, le domicile des personnes concernées constituent bien des données personnelles qu’il convient de protéger. Le fait que les personnes invitées à la réception du Grand Conseil l’aient été à titre officiel ne change rien à la nature de ces données.
Contrairement également à ce que soutient le recourant, la loi n’impose pas de demander systématiquement l’autorisation des personnes concernées; l’autorité ne doit le faire que si elle envisage une transmission de leurs données personnelles non anonymisées (art. 16 al. 4 Llnfo). En l’occurrence, la liste remise au recourant a été expurgée de toutes les données personnelles et l’interpellation des personnes concernées ne se justifiait donc pas.»
Sur ce terrain, force est de constater que le recourant n’a jamais donné de justification particulière à sa demande d’information, se bornant à invoquer son droit à l’information et les dispositions de la LInfo garantissant le principe de transparence. Ainsi, dans le cadre de sa réplique, il fait valoir essentiellement un intérêt public, en lien avec la participation démocratique et le débat politique, conçu comme la somme des intérêts privés de la grande majorité des administrés à connaître les auteurs d’une pétition. Ce n’est là rien d’autre qu’une reformulation du principe de la transparence en lien avec le débat politique; en d’autres termes, l’intéressé ne fait nullement valoir un intérêt propre et personnel, qui devrait être considéré comme prépondérant par rapport à la protection de la sphère privée des pétitionnaires. En l’absence d’une justification, la municipalité était ainsi fondée à opposer un refus à la requête de l’intéressé.
3. Par surabondance, il convient de prendre en considération divers aspects relatifs au droit de pétition. A teneur de l’art. 31 de la Constitution du 14 avril 2003 du canton de Vaud (Cst-VD; BLV 101.01), toute personne a le droit, sans encourir de préjudice, d’adresser une pétition aux autorités et de récolter des signatures à cet effet (al. 1); les autorités examinent les pétitions qui leur sont adressées, les autorités législatives et exécutives étant au surplus tenues d’y répondre (al. 2; voir à ce propos Christelle Luisier Brodard, Les droits fondamentaux, in: Pierre Moor édit., La constitution vaudoise du 14 avril 2003, p. 91 ss, spécialement p. 108 s.). On relève au passage que le droit de pétition est garanti également par le droit fédéral (art. 33 Cst.; le droit fédéral ne prévoit cependant pas d’obligation de réponse, contrairement à ce que prescrit la disposition vaudoise précitée).
a) La question centrale en l’occurrence est de déterminer la portée de la règle conférant au pétitionnaire la garantie que l’exercice de son droit n’entraîne pour lui aucun préjudice. En substance, cet aspect apparaît d’un grand poids dans la garantie du droit de pétition (il était d’ailleurs présent dans d’anciennes réglementations déjà): il s’agit en l’occurrence d’interdire les mesures de représailles de l’autorité à laquelle la pétition est adressée envers les auteurs de la demande. Selon la doctrine, l’autorité ne doit pas non plus prendre à leur égard des mesures de dissuasion, en lien par exemple avec leur participation à la rédaction ou à la mise en circulation d’une pétition (on parle à cet égard de «chilling effect»). On entend par préjudice au sens des deux règles précitées, entre autres, les sanctions ou les mesures disciplinaires prononcées en raison de la participation du pétitionnaire; les pressions exercées sur un fonctionnaire à raison des mêmes faits et le licenciement de ce dernier. Tel est le cas enfin, selon la doctrine, de la divulgation non autorisée de l’identité des pétitionnaires (sur tous ces points, voir CR Cst. [Commentaire romand de la Constitution fédérale]- Dubey/Di Cicco art. 33 N25 et les références; voir aussi SGK BV [St-Gallen Kommentar der schweizerischen Bundesverfassung]- Steinmann, art. 33 Cst, N 11; voir enfin Malinverni/Hottelier/Flückiger, Droit constitutionnel II N 1505). Divers auteurs invoquent d’ailleurs à cet égard l’application par analogie des règles sur le secret du vote, valable dans le domaine des droits politiques (CR Cst.- Dubey/ Di Cicco, ibidem). La pratique de la Chancellerie fédérale va dans ce sens; en effet, elle transmet les pétitions au Département compétent pour en connaître sans les listes de signatures qui l’accompagnent (SGK BV-Steinmann, ibidem). Au demeurant, il apparaît parfaitement légitime de traiter les listes de signatures accompagnant les pétitions de la même manière que les listes de signatures relatives aux initiatives et aux référendums; or, à cet égard, l’art. 64 al. 2 de la loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques (LDP; RS 161.1) prévoit une interdiction de consulter ces listes une fois qu’elles ont été déposées.
Certes, le droit vaudois ne comporte pas de dispositions analogues à celles de l’art. 64 al. 2 LDP. Il n’en reste pas moins que l’autorité vaudoise d’application est habilitée, dans le cadre de l’application des textes ici pertinents (LInfo, LPrD et LEDP), à procéder à une pesée d’intérêts et à conclure que celle-ci conduit au même résultat.
b) A cet égard, le recourant relève que les noms des premiers signataires de l’Appel de Pâques ont été diffusés sur le site de ce dernier. D’ailleurs, cette publicité donnée aux signatures émanant de certaines personnalités confère une crédibilité accrue à cet appel (ou à la pétition ici en cause). Cependant, il faut en déduire essentiellement que les personnes dont les noms figurent sur le site précité ont donné leur consentement à la diffusion de leurs données personnelles. S’agissant des pétitionnaires de Montreux, on ne saurait retenir une telle présomption (autrement dit, l’art. 15 al. 1 let. d ou e LPrD ne saurait s’appliquer en l’occurrence).
c) Au surplus, l’art. 16 al. 2 let. c LInfo n’exige nullement de l’autorité qu’elle s’adresse à chacun des pétitionnaires pour déterminer si ceux-ci acceptent de donner leur consentement à la révélation de leur identité, ce dans l’hypothèse où elle considère que des intérêts privés prépondérants s’opposent à la délivrance de l’information requise, sur la base de l’al. 3 de cette disposition (arrêt TF 1C_136/2019 précité consid. 2.4; l’autorité ne doit s’adresser aux tiers pour obtenir leur consentement que lorsqu’elle envisage de délivrer une information les concernant: art. 16 al. 4 LInfo).
Arrêt GE.2021.0076 de la Cour de droit administratif du Tribunal cantonal vaudois du 29 septembre 2021.
Droit pénal
Violation du droit d’être entendu
La Chambre pénale des recours du Tribunal cantonal jurassien admet le recours de A.. Le recourant s’opposait à la prolongation du délai d’épreuve au sens de l’article 62 al. 4 CP. A. fait ici valoir que son droit d’être entendu a été violé par l’autorité précédente. Dans le présent cas, le Tribunal pénal avait rendu sa décision en omettant d’informer le recourant de son renoncement à la tenue d’une audience orale. Les juges concluent à la violation du droit d’être entendu, vu l’intensité de l’atteinte du jugement sur les droits de A. et la nécessité d’évaluer in visu le comportement de l’intéressé.
Etat de fait
A. a été condamné, par jugement du 20 septembre 2007, à une peine privative de liberté de cinq ans pour délit manqué de meurtre, après avoir incendié plusieurs bâtiments dans l’optique d’ôter la vie de B. Dans ce cadre, les juges ont aussi ordonné l’internement de A., au sens de l’article 64 CP. Aux fins de l’établissement de la culpabilité et de la peine du recourant, la Cour criminelle de la République du Canton du Jura s’était fondée sur une expertise psychiatrique concluant à sa dangerosité. La peine a pris fin en 2011 et a été commuée en internement. A. a bénéficié d’une liberté conditionnelle en 2016 assortie d’un délai d’épreuve d’une durée de cinq ans. Le Tribunal pénal a ensuite prolongé le délai.
Extrait des considérants
2.1 Le tribunal qui a prononcé le jugement en première instance rend également les décisions ultérieures, qui sont de la compétence dʼune autorité judiciaire, pour autant que la Confédération ou les cantons nʼen disposent pas autrement (art. 363 al. 1 ab initio CPP). Le tribunal examine si les conditions de la décision judiciaire ultérieure sont réunies, complète le dossier si nécessaire ou fait exécuter dʼautres investigations par la police. Il donne à la personne concernée et aux autorités lʼoccasion de sʼexprimer sur les décisions envisagées et de soumettre leurs propositions (art. 364 al. 3 et 4 CPP). Le tribunal statue sur la base du dossier. Il peut aussi ordonner des débats (art. 365 al. 1 CPP). Le tribunal rend sa décision par écrit et la motive brièvement (art. 365 al. 2 CPP).
A la différence du prévenu, le condamné n’a pas un droit à être entendu oralement par l’autorité avant qu’elle ne statue, la possibilité de se déterminer par écrit suffisant au respect de l’art. 29 al. 2 Cst. L’autorité procédera en la forme écrite lorsqu’elle se considérera suffisamment renseignée et que sa décision ne péjore pas de manière significative la situation juridique du condamné. A l’inverse, le juge ordonnera des débats lorsque l’audition du condamné s’impose en l’état du dossier et au vu des conséquences probables de la procédure pour l’intéressé, tout comme lorsque l’administration de quelques preuves en contradictoire s’avère utile à la parfaite connaissance de la cause (Christian ROTEN/Michel PERRIN, in Commentaire romand CPP, 2019, n° 1s ad art. 365 CPP). Le Tribunal fédéral considère notamment que la procédure écrite de recours peut ne pas satisfaire à la portée de certaines décisions postérieures au jugement, en particulier en cas de décisions judiciaires ultérieures indépendantes au sens des art. 59 al. 4 CP ou de l’art. 65 al. 1 CP, en raison de l’intensité de l’atteinte découlant du prononcé et la nature des questions devant être examinées (TF 6B_320/2016 consid. 4.2, in forumpoenale 6/2016, p. 322–325). De plus, dans ce genre de situation, il s’agit de procéder à une évaluation du comportement futur du condamné, ce qui implique que certains éléments de faits soient éclaircis. Dans ce contexte lʼimpression personnelle faite par lʼintéressé est primordiale, de sorte quʼune décision des autorités cantonales de renoncer à la procédure orale doit être motivée et expliquée par des circonstances particulières, qui justifient que lʼon renonce à entendre lʼintéressé (TF 6B_1022/2018 du 22 février 2019 consid. 1.1; 6B_799/2017 du 20 décembre 2017, consid. 2.3).
2.2 Une éventuelle violation du droit dʼêtre entendu peut être réparée par le biais du recours, puisque lʼautorité en la matière dispose dʼune pleine cognition en fait et en droit (cf. art. 391 al. 1 CPP). Toutefois, une telle réparation doit rester lʼexception et nʼest admissible, en principe, que dans lʼhypothèse dʼune atteinte qui nʼest pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée; cela étant, une réparation de la violation du droit dʼêtre entendu peut également se justifier, même en présence dʼun vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec lʼintérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; TF 6B_510/2018 du 31 juillet 2018 consid. 2.2.1, et les références citées).
2.3. Aux termes de lʼart. 5 al. 3 Cst, les organes de lʼÉtat et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi.
De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec lʼÉtat, consacré à lʼart. 9 in fine Cst.; ce principe est également rappelé à lʼart. 3 CPP qui prévoit que les autorités pénales sʼy conforment (al. 2 let. a; TF 6B_472/2012 du 13 novembre 2012 consid. 2.1).
3.
3.1
Selon lʼart. 62 CP, lʼauteur est libéré conditionnellement de lʼexécution institutionnelle de la mesure dès que son état justifie de lui donner lʼoccasion de faire ses preuves en liberté (al. 1). Le délai dʼépreuve est de un an à cinq ans en cas de libération conditionnelle de la mesure prévue à l̕art. 59 CP (al. 2). La personne libérée conditionnellement peut être obligée de se soumettre à un traitement ambulatoire pendant le délai dʼépreuve. Lʼautorité dʼexécution peut ordonner, pour la durée du délai dʼépreuve, une assistance de probation et lui imposer des règles de conduite (al. 3). Si, à lʼexpiration du délai dʼépreuve, il paraît nécessaire de poursuivre le traitement ambulatoire de la personne libérée conditionnellement ou de maintenir lʼassistance de probation ou les règles de conduite pour prévenir le danger quʼelle commette dʼautres crimes ou délits en relation avec son état, le juge peut, à la requête de lʼautorité dʼexécution, prolonger le délai dʼépreuve, à chaque fois de un à cinq ans en cas de libération conditionnelle de la mesure prévue à lʼart. 59 CP (al. 4 let. a). Une prolongation indéfinie est possible, puisqu’aucune durée maximale totale n’est prévue pour ce genre de mesure, à la condition qu’il existe un risque de récidive en relation avec le trouble mental traité et que la prolongation permette de prévenir ce risque (DUPUIS ET AL., Code pénal, petit commentaire, 2016, n° 11 ad. art. 62 CP).
3.2 Aux termes de lʼart. 56 al. 2 CP, le prononcé dʼune mesure suppose que lʼatteinte aux droits de la personnalité qui en résulte pour lʼauteur ne soit pas disproportionnée au regard de la vraisemblance quʼil commette de nouvelles infractions et de leur gravité. Concrètement, il convient de procéder à une pesée des intérêts divergents en présence, cʼest-à-dire entre la gravité du danger que la mesure cherche à éviter et lʼimportance de lʼatteinte aux droits de la personne concernée inhérente à la mesure. Une mesure disproportionnée ne doit pas être ordonnée, ni maintenue. Le principe de la proportionnalité recouvre trois aspects. Une mesure doit être propre à améliorer le pronostic légal chez lʼintéressé (principe de lʼadéquation). En outre, elle doit être nécessaire. Elle sera inadmissible si une autre mesure, qui sʼavère également appropriée, mais porte des atteintes moins graves à lʼauteur, suffit pour atteindre le but visé (principe de la nécessité ou de la subsidiarité). Enfin, il doit exister un rapport raisonnable entre lʼatteinte et le but visé (principe de la proportionnalité au sens étroit). La pesée des intérêts doit sʼeffectuer entre, dʼune part, la gravité de lʼatteinte aux droits de la personne concernée et, dʼautre part, la nécessité dʼun traitement et la vraisemblance que lʼauteur commette de nouvelles infractions. Sʼagissant de lʼatteinte aux droits de la personnalité de lʼauteur, celle-ci dépend non seulement de la durée de la mesure, mais également des modalités de lʼexécution (TF 6B_1350/2019 du 1er avril 2020 consid. 3.1; 6B_875/2019 du 9 septembre 2019 consid. 1.1; 6B_823/2018 du 12 septembre 2018 consid. 2.1).
3.3 Selon l’art. 56 al. 3 CP, une expertise est nécessaire avant de prononcer une mesure. Cette disposition désigne, parmi les cas pour lesquels le juge doit se fonder sur une expertise, les art. 59 à 61 CP (mesures thérapeutiques institutionnelles), l’art. 63 CP (traitement ambulatoire) et l’art. 64 CP (internement), ainsi que l’art. 65 CP (changement de sanction). Bien que le changement de mesure ne soit pas expressément mentionné (art. 63 b al. 5), le Tribunal fédéral considère qu’une expertise se justifie dans ce cas en raison du rapprochement des textes des art. 56 al. 3 et 65 CP (Maria LUDWICZAK GLASSEY/Robert ROTH/Vanessa THALMANN, in commentaire romand CPP, 2019, n° 34a ad art. 56 CP). Le Tribunal fédéral a également considéré qu’une expertise était justifiée en cas de prolongation du délai d’épreuve dès lors que l’assistance de probation ordonnée imposait un traitement médicamenteux qui interférent également sur l’autodétermination sexuelle du condamné. Ces conséquences étant considérables pour le condamné, un avis médical pour prolonger le délai d’épreuve était nécessaire (TF 6B_131/2009 du 10 juin 2009 consid. 2).
3.4 Selon la jurisprudence, le juge peut se fonder sur une expertise qui figure déjà au dossier si celle-ci est encore suffisamment actuelle. Lʼélément déterminant pour trancher cette question nʼest pas le temps qui sʼest écoulé depuis le moment où lʼexpertise a été établie, mais plutôt lʼévolution qui sʼest produite dans lʼintervalle. Il est ainsi parfaitement concevable de se fonder sur une expertise relativement ancienne si la situation ne sʼest pas modifiée entre-temps (ATF 134 IV 246 consid. 4.3; plus récemment TF 6B_72/2020 du 8 avril 2020 consid. 2.1; 6B_658/2019 du 17 juillet 2019 consid. 4.3). Lʼautorité compétente devra toutefois tenir compte du fait que, selon les milieux de la psychiatrie, un pronostic de dangerosité fiable ne peut pas être établi pour une longue période. La doctrine évoque un délai de lʼordre de trois ans pour un renouvellement de lʼexpertise. Un complément dʼexpertise peut sʼavérer suffisant (TF 6B_323/2014 du 10 juillet 2014 consid. 3.3 et les références citées).
4. En l’espèce, la direction de la procédure du Tribunal pénal a imparti au recourant le même délai de 10 jours pour se prononcer sur la requête de prolongation du délai d’épreuve du Service juridique, présenter ses compléments de preuve et indiquer s’il souhaitait que des débats soient tenus ou si la décision pouvait être rendue par écrit. Le recourant a très brièvement pris position sur le fond, a requis des compléments de preuve et sollicité une audience publique par courrier du 29 mars 2021. Le Tribunal pénal a ensuite rendu une seule décision, rejetant la requête d’une audience, les compléments de preuve et ordonnant la prolongation du délai d’épreuve, de l’assistance de probation et du traitement ambulatoire.
4.1 Concernant la tenue de débats oraux, le Tribunal pénal a considéré qu’il était suffisamment renseigné au vu du rapport du Dr E. du 10 septembre 2020 et du rapport de l’agent de probation du 17 septembre 2020. Le recourant ne conteste pas que sa cause pouvait se traiter en procédure écrite, mais uniquement qu’il aurait dû être informé de la façon dont le Tribunal pénal entendait mener la procédure, afin de compléter, le cas échéant, sa prise de position.
En rendant une décision sur le fond, sans informer formellement le recourant qu’il renonçait à la tenue d’une audience, respectivement que l’affaire allait être mise en délibérations en l’état, le Tribunal pénal a violé le droit d’être entendu du recourant. Ce dernier, à qui un délai avait été imparti pour se déterminer sur cette question, pouvait en effet de bonne foi penser qu’une décision serait rendue sur cette question avant un jugement au fond ou à tout le moins qu’un délai lui serait impartit pour compléter sa prise de position avant qu’un jugement ne soit rendu. Peut rester ouverte la question de savoir dans quelle mesure le recourant aurait pu ou dû réagir à réception du courriel du secrétariat du Tribunal pénal l’invitant à déposer sa note d’honoraires, compte tenu des motifs qui suivent.
Le refus de tenir audience paraît en effet discutable dans le cas d’espèce. Il est tout d’abord rappelé que pour procéder à une évaluation du comportement futur du recourant, une impression personnelle, de visu, est recommandée au vu de la jurisprudence précitée. De plus, au vu des mesures ordonnées, soit la prolongation du traitement ambulatoire et de l’assistance de probation, l’intensité de l’atteinte du jugement prononcé sur les droits du recourant n’est pas à minimiser et la motivation de la décision attaquée sur les circonstances qui l’autorisaient à renoncer à la tenue d’une audience ne convainc pas. Le rapport du Dr E., qui assure le suivi du traitement ambulatoire, est des plus sommaires. Si ce dernier admet certes que des entretiens espacés restent utiles, il ne se prononce pas sur la nécessité de la prolongation du délai d’épreuve au vu des troubles du recourant. Or, le recourant s’est prévalu d’une discussion avec le Dr E. à l’occasion de laquelle ce dernier lui aurait affirmé qu’une prolongation du délai d’épreuve n’était pas nécessaire. En rendant une décision écrite, sans informer le recourant qu’il estimait l’administration des preuves suffisamment complète, le Tribunal pénal n’a pas laissé la possibilité au recourant de poser des questions complémentaires à l’auteur d’un rapport sur lequel il s’est toutefois basé pour rendre sa décision, étant encore rappelé que le recourant avait sollicité son audition en tant que témoin. Quant au rapport de l’agent de probation, s’il décrit certes que le suivi est axé sur la gestion des conflits sans violence, que ce suivi a bien démarré et que le recourant est sur la bonne voie, il ne se prononce pas sur la nécessité de la poursuite de la mesure. Le jugement attaqué est finalement fondé sur les violences domestiques rencontrées par le recourant et pour lesquelles une procédure pénale est encore pendante. Les faits au dossier relatifs à cette procédure datent toutefois de décembre 2019 et l’on ignore tout de la situation actuelle du couple, si ce n’est ce qui ressort sommairement du rapport de l’agent de probation. On ne saurait dès lors considérer que le Tribunal pénal était suffisamment renseigné pour renoncer à une audience compte tenu des conséquences de la procédure pour l’intéressé.
4.2 Il ne faut finalement pas perdre de vue qu’en cas de non-respect du traitement ambulatoire et des règles de conduite, le recourant se verra réintégrer dans l’exécution de sa mesure thérapeutique institutionnelle, mesure pour laquelle l’existence d’un grave trouble mental est requise.
Dans le cadre de la fixation du délai d’épreuve, respectivement sa prolongation, il y a lieu de tenir compte du pronostic (quel risque de nouvelles infractions en lien avec le trouble et pour quels bien juridiques) et des rapports médicaux qui indiquent la réponse au traitement de l’intéressé et, bien souvent, les recommandations quant aux mesures palliatives à mettre en place, et avec quel succès espéré (cf. Camille Perrier
DEPEURSINGE/Jade REYMOND, in Commentaire romand CP I, n° 33 ad art. 62 CP).
En l’espèce, les rapports du Dr E. et de l’agent de probation sont peu, voire pas, motivés sur la question du pronostic, de la réponse du recourant au traitement et de la nécessité de prolonger le délai d’épreuve. Plusieurs expertises psychiatriques ont été ordonnées dans le cadre de la procédure pénale. Tant le Dr D. que le Dr G., même si les diagnostics secondaires divergent, ont retenu dans leurs expertises l’existence d’un grave trouble mental, respectivement d’un trouble de la personnalité, en lien avec les infractions commises et ont considéré qu’une mesure était susceptible de le détourner de la commission de nouvelles infractions. Ces expertises sont toutefois anciennes et ne sauraient justifier la prolongation du délai d’épreuve. Une nouvelle expertise a été réalisée en 2015, avant la libération conditionnelle du recourant. Cette dernière, la plus récente, n’est toutefois pas au dossier de la cause. Or, selon le mémoire de recours, le diagnostic retenu par cet expert diverge de ceux précédemment retenus et l’expert aurait nié un danger pour autrui dans son rapport. Le Tribunal pénal ne souffle mot de ces différents rapports, alors que l’existence d’un grave trouble mental et la mesure dans laquelle la prolongation du délai d’épreuve permettrait de diminuer le risque de nouvelles infractions en lien avec ce trouble sont fondamentales. Il paraît dès lors indispensable que l’autorité de première instance dispose de cette expertise, l’apprécie et décide ensuite si une nouvelle expertise ou des compléments de preuve doivent être requis.
5. Au vu des motifs qui précèdent, une violation du droit d’être entendu ne saurait être réparée par la Chambre de céans et le dossier doit être retourné au Tribunal pénal pour nouvelle décision. Il lui appartiendra de décider s’il entend traiter le cas sous forme écrite ou non, d’en informer formellement les parties, afin de leur laisser la possibilité de se déterminer. Le dossier apparaît en tous les cas, que la procédure soit traitée par écrit ou non, insuffisamment complet pour se prononcer sur les troubles du recourant et le risque de récidive. Il est ici précisé qu’une prolongation du délai dʼépreuve peut être prononcée par un tribunal après que le délai précédent a expiré (TF 6B_1350/2019 du 1er avril 2020 consid. 1.3).
Décision CPR 43/2021 et AJ 45/2017 du 8 juin 2021 de la Chambre pénale des recours du Tribunal cantonal du Jura.