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Plaidoyer 04/2019
22.08.2019
Dernière mise à jour:
26.08.2019
Suzanne Pasquier
On savait depuis longtemps que la région lémanique remplissait bien ses prisons, on sait désormais qu’elle est championne de l’expulsion judiciaire. En 2018, les tribunaux de Genève et de Vaud ont prononcé 413 décisions de renvois d’étrangers délinquants (art. 66 a CP), sur les 1108 décisions recensées au niveau suisse par l’Office fédéral de la statistique (OFS). En comparaison, Zurich...
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AbonnementOn savait depuis longtemps que la région lémanique remplissait bien ses prisons, on sait désormais qu’elle est championne de l’expulsion judiciaire. En 2018, les tribunaux de Genève et de Vaud ont prononcé 413 décisions de renvois d’étrangers délinquants (art. 66 a CP), sur les 1108 décisions recensées au niveau suisse par l’Office fédéral de la statistique (OFS). En comparaison, Zurich en comptabilise 156 et Berne 123.
Les deux cantons lémaniques ne se distinguent pas seulement dans le domaine de l’expulsion obligatoire, mais aussi dans celui de l’expulsion facultative (art. 66a bis CP). Autrement dit, ils renvoient dans leur pays d’origine des personnes qui ont commis d’autres infractions que celles figurant sur la liste de l’art. 66a CP, pourtant déjà bien longue. De qui s’agit-il? De récidivistes en matière de petite délinquance, y compris des auteurs d’infractions répétées à la circulation routière. Pour Genève, l’OFS comptabilise 135 expulsions facultatives en 2018, soit plus de la moitié des cas de toute la Suisse (226)!
Mais revenons à l’expulsion obligatoire, nettement plus fréquente. Au niveau fédéral, son taux d’application était de 71% en 2018, et même de 94% pour les peines d’emprisonnement de plus de deux ans, annonce encore l’OFS. Cela signifie que les autorités judiciaires ne renoncent à ordonner l’expulsion que dans 29% des cas entrant potentiellement dans les catégories prévues par l’art. 66a CP. Voilà qui devrait calmer ceux qui proclament que les juges ont tendance à considérer l’exception comme la règle.
Dans le Journal des tribunaux, un procureur et un juge estiment pour leur part, à l’issue d’une revue de jurisprudence fédérale et lémanique sur l’expulsion judiciaire, que la loi est actuellement appliquée de manière très rigoureuse. Et pourtant, des politiciens prônent un nouveau durcissement du Code pénal en la matière.
Les amateurs de révisions législatives tous azimuts pourraient regarder dans le rétroviseur et tirer la leçon de la dernière grande réforme du droit des sanctions, entrée en vigueur en 2018: en théorie, elle a bel et bien fait reculer la peine pécuniaire et redonné davantage de place aux courtes peines privatives de liberté, mais elle n’a pas bouleversé la pratique. L’an dernier, la peine pécuniaire avec sursis est restée de loin la sanction la plus fréquente, ordonnée dans 70% des condamnations.