Droit constitutionnel et administratif
Après la vente de son logement dans le canton de Berne, une femme a acquis un nouveau logement à usage personnel dans le canton de Genève, différant ainsi l’imposition sur le gain immobilier réalisé. Peu après, elle a aussi revendu sa propriété genevoise. Le canton de Berne est-il compétent pour imposer le gain immobilier réalisé sur son territoire, malgré l’imposition différée (méthode du partage), ou le canton de Genève peut-il imposer le gain global, consécutif à la vente du logement de remplacement (méthode unitaire)? Dans le cas d’espèce, le TF se prononce en faveur de la méthode unitaire.
(2C_70/2017 du 28.9.2017)
La SUVA peut imposer une interdiction de vente de machines, conformes aux normes techniques harmonisées en Europe, lorsque, dans le cadre de la surveillance du marché, elle constate que le produit ne remplit pas les exigences essentielles de sécurité et de santé. Dans le cas concret, le TF confirme les interdictions prononcées à l’encontre de plusieurs fabricants de mettre sur le marché des systèmes d’attaches rapides pour la fixation d’accessoires sur des machines de chantier.
(2C_75/2016 à 2C_80/2016 du 10.4.2017)
En droit suisse, il n’existe pas encore de base légale pour les observations privées, effectuées par exemple par un détective privé, à l’encontre des présumés fraudeurs à l’assurance. Dans le cadre d’une procédure pénale, les moyens de preuve sont en principe recueillis par l’autorité compétente. Bien qu’une observation privée soit illicite, ses résultats peuvent exceptionnellement être utilisés lorsqu’ils sont indispensables pour élucider une infraction grave. En l’espèce, les observations ont été effectuées dans l’espace public, et elles auraient pu être légalement ordonnées par les autorités pénales. Bien qu’il ne soit pas manifestement exclu qu’elles puissent être considérées comme inexploitables, cet examen revient au juge du fond.
(1B_75/2017 du 16.8.2017)
Droit civil
Dans le cadre d’une procédure de mesures protectrices de l’union conjugale, les autorités ont ordonné la mise sous curatelle éducative de deux enfants. Peu après, elles ont retiré à la mère le droit de décider du lieu de résidence des enfants, et les ont placés chez sa sœur. Un an plus tard, le Département de l’intérieur du canton de Soleure a autorisé le placement des enfants chez la sœur et son mari à des fins d’entretien. Le tribunal administratif soleurois n’est pas entré en matière sur le recours de la mère, considérant qu’elle n’avait pas qualité pour recourir, à raison selon le TF. La décision de l’autorité compétente de retirer à la mère le droit de décider du lieu de résidence des enfants doit nécessairement inclure une décision sur leur placement.
(5A_88/2017 du 25.9.2017)
Droit pénal
Un prévenu condamné pour plusieurs infractions, notamment en matière de sécurité routière, fait appel. En deuxième instance, la direction de la procédure lui impartit un délai de vingt jours pour indiquer s’il consent à la conduite d’une procédure écrite, indiquant qu’à défaut de détermination dans le délai imparti, il sera réputé avoir donné son accord. En l’absence de détermination expresse de sa part, la procédure est menée par écrit. L’homme recourt sans succès devant le TF, qui considère que le consentement a été donné de manière tacite, la communication de la direction de la procédure ayant été effectuée de manière claire et univoque.
(6B_510/2016 du 13.7.2017)
Une prise de sang constitue une mesure de contrainte même si le prévenu accepte de s’y soumettre. Elle ne peut dès lors être ordonnée que par le Ministère public, et non par la police (art. 198 al. 1 CPP). Aucune disposition de la LCR ou du CPP n’autorise la police à ordonner une prise de sang en cas de soupçons d’incapacité de conduire. En l’espèce, au cours d’un contrôle de police, un automobiliste soupçonné d’être en incapacité de conduire avait subi une prise de sang qui avait révélé la présence d’un principe inactif du cannabis, et avait été condamné pour infraction à la LStup. La prise de sang, ordonnée par la police sans l’avis du Ministère public, constitue une mesure de contrainte illicite.
(6B_942/2016 du 7.9.2017)
La procédure pénale est soumise à une obligation de documentation. Tous les actes de procédure non écrits des autorités pénales ou des parties doivent être protocolés. Ils doivent être lisibles ou au moins représentés d’une manière visuellement compréhensible. L’art. 76 al. 4 CPP permet certes qu’ils soient intégralement ou partiellement enregistrés sur un support sonore ou visuel, mais seulement en plus de leur consignation par écrit. L’enregistrement et la sauvegarde des débats de première instance sur un support sonore, complétés par un aperçu du déroulement de la procédure corrélé à l’enregistrement et destiné à faciliter l’orientation, ne sont pas suffisants. En l’espèce, un renvoi de l’affaire étant disproportionné, il suffit que les débats soient retranscrits.
(6B_32/2017 du 29.9.2017)
Au soir de l’attentat commis contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, un père de famille du Nord vaudois a publié sur sa page Facebook le message: «J’organise une kristallnacht. Qui est partant pour aller brûler du muzz». Les instances cantonales considèrent que le terme «muzz» vise la communauté musulmane dans son ensemble et le reconnaissent coupable de discrimination raciale. Le TF admet le recours du condamné, qui prétend qu’il ne visait par ce terme que les auteurs fanatiques d’actes terroristes violents. Avant de rendre son jugement, le Tribunal cantonal aurait dû soumettre le résultat de ses recherches aux parties, en leur offrant la possibilité de s’exprimer. Il s’est contenté de consulter le «Wiktionnaire», qui ne possède aucun caractère officiel, et dont les définitions sont susceptibles d’être librement modifiées. La définition du terme «muzz» ne peut être considérée comme un fait notoire.
(6B_986/2016 du 20.9.2017)
Droit des assurances sociales
Dans l’ATF 134 V 15, le TF a refusé le versement de la rente pour enfants à un enfant majeur, au motif que ce type de versement n’était pas prévu par l’art. 71ter RAVS. Cette jurisprudence ayant donné des résultats insatisfaisants en pratique, le législateur a ajouté un troisième alinéa à cette disposition, entré en vigueur au début de 2011, prévoyant que la majorité de l’enfant ne modifie pas le mode de versement appliqué jusque-là, sauf si l’enfant majeur demande que la rente pour enfant lui soit versée directement, toute décision contraire du juge civil ou de l’autorité tutélaire étant réservée. Cette disposition, comme l’a maintenant décidé le TF, est applicable par analogie aux rentes pour enfants de l’AI.
(9C_292/2017 du 7.9.2017)
Le TF se conforme une nouvelle fois à l’arrêt Di Trizio c. Suisse du 2 février 2016 de la CrEDH (7186/2009), en considérant que la rente d’une bénéficiaire de l’AI, qui n’exerce pas d’activité lucrative mais pourrait en reprendre une parce que ses enfants ont grandi, ne peut être supprimée ou diminuée. L’office AI du canton de Zurich avait à tort appliqué la méthode mixte pour limiter un quart de rente AI dont bénéficiait une mère de famille, après que ses enfants soient devenus plus autonomes.
(9C_752/2016 du 6.9.2017)