Droit constitutionnel et administratif
La durée d’une détention provisoire ou pour des motifs de sûreté ne doit pas dépasser la peine prévisible ou en être très proche. Dans plusieurs arrêts non publiés, le Tribunal fédéral avait considéré que la durée de la détention préventive ne peut excéder les trois quarts de la peine prévisible. Dans le présent arrêt, il nuance sa jurisprudence en précisant qu’il ne s’agit pas d’une règle, mais qu’il faut dans chaque cas d’espèce tenir compte de l’ensemble des circonstances pour fixer la durée admissible de la détention.
(1B_116/2019 du 11.4.2019)
Le TF met fin à une ancienne pratique en matière d’exploitations hydrauliques, en considérant que les anciennes concessions illimitées et droits d’eau sont contraires à la Constitution. Ceux qui ont été délivrés sous l’ancien droit doivent être soumis à la législation actuelle, et les collectivités doivent avoir la possibilité de vérifier que l’utilisation d’un cours d’eau est toujours conforme à l’intérêt public. Les juges fédéraux admettent le recours du WWF contre le propriétaire de la centrale de Hammer à Cham (ZG), qui avait déposé deux demandes de permis de construire.
(1C_631/2017 du 29.3.2019)
Un homme qui avait conclu un contrat de travail à durée déterminée avec l’Armée suisse en 2015 s’est vu refuser une prolongation de son engagement, selon lui en raison de son homosexualité. L’armée nia toute discrimination et expliqua que le poste en question n’existait plus. Le TF rejette le recours de l’employé, et précise qu’une discrimination directe selon l’art. 3 LEg n’existe que lorsque le fait d’être traité différemment repose sur l’appartenance à un sexe déterminé ou sur un critère qui ne peut être rempli que par un homme ou par une femme. Une personne homosexuelle qui fait valoir une discrimination fondée sur son orientation sexuelle ne peut invoquer le fait d’avoir été victime d’une discrimination directe au sens de la LEg.
(8C_594/2018 du 5.4.2019)
Droit civil
Le TF admet le recours formé par Apple Inc. contre le refus partiel de protection à titre de marque du signe verbal «APPLE» pour divers produits et services prononcé par le Tribunal administratif fédéral. En raison de la notoriété de la marque APPLE, qui est l’une des plus connues du monde, c’est à tort que l’instance précédente a considéré que, pour certains des produits et des services considérés, le signe n’est pas perçu par le public comme renvoyant à une entreprise déterminée, et qu’il est donc dénué de caractère distinctif.
(4A_503/2018 du 9.4.2019)
Le propriétaire d’un appartement a résilié le contrat de bail conclu avec sa locataire, au motif que son fils allait l’occuper. Dans une première procédure, le Tribunal des baux de Zurich a constaté par jugement que la résiliation n’était pas abusive. Quelques mois après son départ, l’ancienne locataire a constaté sur internet que l’objet avait été remis sur le marché avec un loyer augmenté de 650 francs. Saisi d’une nouvelle demande, le Tribunal des baux lui a alloué 11 000 francs de dommages-intérêts pour congé abusif. Le TF admet le recours du propriétaire, en considérant qu’un locataire ne peut intenter une action en dommages-intérêts en invoquant une résiliation abusive s’il a déjà contesté sans succès la résiliation selon les art. 271 s. CO. La constatation du caractère non abusif de la résiliation lie le tribunal dans le second procès.
(4A_563/2017 du 19.2.2019)
Le TF considère qu’il est compatible avec l’art. 9 Cst. d’admettre des pseudo-nova dans la procédure de recours contre une décision sur opposition à l’ordonnance de séquestre. Cette interprétation correspond à celle de nombreux auteurs, qui l’appuient sur des arguments convaincants. Cela étant, les pseudo-nova doivent être invoqués sans retard, et ils ne peuvent être pris en compte par l’instance de recours que lorsqu’ils n’ont pas pu être invoqués en première instance, bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise.
(5A_626/2018 du 3.4.2019)
Droit pénal
Il n’existe pas de délai absolu au-delà duquel le retard d’une partie ou d’un avocat justifie nécessairement que lui soit refusé l’accès à l’audience. Il s’agit bien plutôt d’examiner, en tenant compte de l’ensemble des circonstances, si un intérêt digne de protection justifie l’application stricte des règles de procédure. Dans une affaire dans laquelle une avocate stagiaire s’était vu refuser le droit de plaider en raison d’un retard de 17 minutes, le TF considère que le président du tribunal de police a fait preuve de formalisme excessif. En l’espèce, il était toujours présent avec son greffier dans la salle d’audience à l’arrivée de l’avocate, le tribunal disposait du temps nécessaire pour écouter sa plaidoirie, et les conséquences du défaut de représentation auraient été sévères.
(6B_1298/2018 du 21.3.2019)
Le TF confirme la condamnation à 40 heures de travail d’intérêt général avec sursis, pour lésions corporelles par négligence, prononcée contre un footballeur amateur ayant, au cours d’une rencontre, disputée dans le canton de Fribourg, pratiqué un tacle dangereux sur un adversaire et ayant, sans intention, cassé sa cheville. Sur le terrain, l’arbitre l’avait sanctionné d’un carton jaune, pour jeu dangereux.
(6B_52/2019 du 5.3.2019)
Droit des assurances sociales
La preuve des recherches personnelles d’emploi peut être transmise à l’Office régional de placement (ORP) compétent par courrier électronique. Toutefois, en cas de litige, il appartient à l’expéditeur d’apporter la preuve que son courriel est arrivé à temps dans la sphère de contrôle de l’ORP, au vu du manque de fiabilité du trafic électronique en général. Une confirmation de réception de l’envoi par le destinataire est suffisante. En l’absence de cette confirmation, l’expéditeur doit procéder par voie postale.
(8C_239/2018 du 12.2.2019)
Il n’existe pas de limite maximale absolue à la prise en charge des coûts d’un traitement hospitalier par l’assurance-maladie obligatoire. Tant que les mesures médicales en cause satisfont aux conditions légales, le devoir de prester de l’assurance-maladie est entier. En l’espèce, un homme de 71 ans avait été admis dans un hôpital pour subir une opération du genou. A la suite de l’opération, il a été victime d’une crise cardiaque, d’une insuffisance rénale et de nombreuses autres complications, engageant parfois le pronostic vital. Le coût total des 421 jours de traitement hospitalier, dont une grande partie en soins intensifs, s’est élevé à environ 2,4 millions de francs, dont 1,08 million facturé à l’assurance-maladie obligatoire. Selon la LAMal, il existe une obligation de prise en charge illimitée, dans la mesure où chaque prestation du traitement hospitalier répond aux critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité. Aucun principe ne postule un rationnement des soins, en ce sens que, pour des raisons de maîtrise des coûts totaux, certaines prestations médicales nécessaires ne devraient pas être facturées à l’assurance-maladie obligatoire. Le recours de la caisse maladie est rejeté.
(9C_744/2018 du 1.4.2019)