Droit constitutionnel et administratif
Visant la discrimination raciale, l’art. 261bis § 4 in initio CP tend à protéger la dignité que tout homme acquiert dès la naissance ainsi que l’égalité entre les êtres humains. Lorsque l’outrage vise un groupe de personnes (qu’elles soient définies par leur race, leur ethnie ou leur religion), c’est le groupe en tant que tel qui est directement concerné. Ses membres ne sont qu’indirectement touchés, et ne sont donc pas juridiquement lésés. Reconnaître à tous les membres d’un groupe la qualité de partie plaignante poserait des difficultés pratiques considérables, un nombre indéterminable de personnes du monde entier pouvant, dans certains cas, se porter parties plaignantes dans une procédure pénale. En l’espèce, le TF rejette le recours d’un musicien bâlois de confession juive qui s’en prenait aux propos d’un humoriste, diffusés dans le cadre d’une émission de télévision alémanique.
(1B_320/2015 du 3.1.2017)
Un entrepreneur a vendu à une SA qu’il contrôle une parcelle pour une somme de près de 60‘000 fr. Le même jour, la SA, représentée par lui-même, a revendu la même parcelle à un tiers au prix de 164000 fr. Pour le calcul de l’impôt sur les gains immobiliers, l’Administration cantonale a retenu un produit de vente de 164000 fr., en considérant que le premier prix de vente n’avait pas de réelle signification. Le TF lui donne raison et rejette le recours de l’entrepreneur.
(2C_1081/2015 du 12.12.2016)
Droit civil
Selon l’art. 336c al. 1 let. c CO, l’employeur ne peut résilier le contrat pendant la grossesse et au cours des seize semaines qui suivent l’accouchement. Le TF considère que la grossesse, au sens de cette disposition, commence dès le moment de la fécondation de l’ovule (conception de l’enfant), et non au moment de l’implantation de l’œuf dans l’utérus (nidation). En l’espèce, une employée d’une clinique dentaire genevoise était tombée enceinte peu avant que le licenciement prononcé par son employeur ne prenne effet. Le TF confirme la suspension du licenciement et la décision cantonale condamnant l’employeur à verser près de 60000 fr. à l’employée.
(4A_400/2016 du 26.1.2017)
Les semelles rouges des chaussures pour dames françaises de la marque Louboutin ne revêtent pas un caractère distinctif suffisant pour être protégées en tant que marques en Suisse. Le TF confirme la décision de l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle. Ces semelles constituent un élément décoratif qui n’est pas suffisamment caractéristique et exceptionnel pour justifier une protection sous l’angle de la LPM.
(4A_363/2016 du 7.2.2017)
Le TF rejette le recours de parents nourriciers qui se plaignaient de ne pas avoir été consultés au sujet du changement de curatrice de l’enfant, à la suite du déménagement de sa mère. L’art. 300 al. 2 CC prévoit que les parents nourriciers doivent être entendus avant toute décision importante, afin qu’ils puissent exposer la situation à l’Autorité de protection avant qu’elle ne prenne une décision. La décision doit être importante pour l’enfant et non pour les parents nourriciers. Pour une modification de curateur, il faut se fonder sur les relations entre l’enfant et le curateur, et notamment sur l’influence que ce dernier a sur l’éducation de l’enfant. En l’espèce, les deux curatrices en cause étaient professionnelles, et avaient suivi la même formation. La consultation des parents nourriciers n’était donc pas nécessaire, et le fait qu’ils entretenaient d’excellents rapports avec l’ancienne curatrice ne joue aucun rôle.
(5A_299/2016 du 17.1.2017)
Droit pénal
L’art. 383 al. 1 CPP prévoit que la direction de la procédure de l’autorité de recours peut astreindre la partie plaignante à fournir des sûretés dans un délai déterminé pour couvrir les frais et les indemnités éventuels. Selon l’art. 91 al. 5 CPP, un paiement à l’autorité pénale est effectué dans le délai prescrit lorsque le montant est versé en faveur de l’autorité pénale à La Poste Suisse ou débité d’un compte bancaire ou postal en Suisse le dernier jour du délai au plus tard. En cas de paiement tardif, l’autorité doit inviter le débiteur à amener la preuve qu’il s’est acquitté à temps du montant dû. En l’espèce, l’instance précédente ne l’a pas fait, bien que le paiement soit arrivé sur le compte du greffe un jour de travail bancaire après l’échéance du délai. Le recours de la partie plaignante est admis.
(6B_310/2016 du 19.1.2017)
L’art. 97 al. 3 CP, selon lequel la prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu, s’applique aussi au droit pénal des mineurs, bien que l’art. 1 al. 2 let. j DPMin ne renvoie pas à cette disposition. Il s’agit d’une lacune proprement dite du DPMin, car ce dernier ne traite pas de la question de l’interruption des délais de prescription, et non un silence qualifié de la loi. Dix ans après les abus sexuels de Schmitten, le TF confirme ainsi la condamnation à 33 mois de prison infligée à un prévenu qui tentait de se prévaloir de la prescription.
(6B_646/2016 du 3.1.2017)
La Cour d’appel du canton d’Argovie a refusé à juste titre l’internement d’un homme qu’elle avait condamné en 2016 à une peine privative de liberté de quatre ans et demi pour tentative de lésions corporelles graves ainsi que pour plusieurs autres infractions. Seules des infractions graves entrent en considération pour l’internement. En outre, on pouvait s’attendre à une diminution de l’intensité criminelle compte tenu de son âge. L’internement était ainsi disproportionné, même si le risque de la commission de futures infractions ne pouvait pas être totalement exclu. En outre, la détention provisoire ou à titre de sûreté ne devant pas être d’une durée supérieure à la peine privative de liberté attendue, le TF considère que le maintien en détention ne se justifie pas au regard du solde de peine de deux mois et ordonne la libération de l’homme de l’exécution anticipée de sa peine.
(6B_1203/2016 et 6B_73/2017 du 16.2.2017)
Droit des assurances sociales
A la suite à l’arrêt rendu le 2.2.2016 par la CrEDH dans l’affaire Di Trizio, le TF admet le recours d’une femme dont la rente AI partielle avait été réduite après la naissance de son enfant. L’AI avait estimé que la rente ne pouvait plus être calculée sur la base d’un travail à plein temps, l’assurée devant selon elle être considérée comme une personne occupée à temps partiel, en raison des nouvelles tâches familiales qu’elle devait assumer. L’AI s’était fondée sur la méthode mixte, critiquée par la CrEDH.
(9C_604/2016 du 1.2.2017)
C’est à tort que la justice genevoise à fourni des allocations familiales à une Française, résidant en France et travaillant à Genève pour son fils de 22 ans, hockeyeur professionnel en France. Relevant qu’il n’existe aucune formation spécifique de hockeyeur professionnel, la Cour de justice du canton de Genève avait considéré que son activité équivaut à une formation. Le TF estime, au contraire, que le jeune homme, qui évolue dans la ligue la plus élevée du championnat français, a atteint un potentiel suffisant. Le simple fait qu’il touche un salaire modeste ne suffit pas, à lui seul, à tirer une conclusion contraire.
(8C_4/2016 du 22.12.2016)