Tribunal fédéral
Notion de participation à une rixe
La réalisation de l’élément constitutif de la rixe (art. 133 CP) dépend principalement de la volonté de l’auteur à participer à une bagarre impliquant plus de trois personnes. Aussi, le simple fait de prendre activement part à la dispute en acceptant l’éventualité qu’un troisième protagoniste s’y joigne suffit. La lésion corporelle ou la mort ne représentent qu’une condition objective de punissabilité. Il n’est, de ce fait, pas nécessaire que l’auteur ait accepté l’issue de la rixe. Une bagarre aboutissant sur de simples voies de faits ne saurait être qualifiée de rixe, d’où l’importance de procéder au difficile distinguo entre voies de fait (art. 126 CP) et lésions corporelles simples (123 CP) en évaluant la violence des coups apportés ou la douleur ressentie.
(6B_782/2020 du 7.1.2021)
Contrainte sexuelle et violence structurelle
Ayant pour but de protéger la détermination en matière sexuelle, l’article 189 CP réprime les pressions d’ordre psychologique ayant pour effet de mettre la victime hors d’état de résister. L’auteur de l’infraction doit ici savoir que la victime n’était pas consentante ou accepter l’éventualité que tel soit le cas, cet élément pouvant être présumé plus fortement en fonction du jeune âge de la victime et sa dépendance sociale. L’appréciation de l’autorité de plusieurs critères dont l’infériorité cognitive et la dépendance sociale et émotionnelle revêt ainsi toute son importance pour établir l’existence de violence structurelle. Les motivations égoïstes, l’absence de repentir sont à même de supprimer l’atténuation de la culpabilité en raison de la responsabilité restreinte de l’auteur.
(6B_693/2020 du 18.1.2021)
Annulation d’une naturalisation facilitée
Au terme de l’article 50 de la Loi sur la nationalité suisse, le droit applicable est celui en vigueur au moment où les faits déterminants se sont produits. Dans le cas d’espèce, l’affaire portée devant les autorités est jugée selon l’ancien droit. L’annulation d’une naturalisation facilitée implique l’existence d’un comportement déloyal et trompeur alors qu’une séparation est envisagée après l’obtention de la naturalisation facilitée. Ledit comportement doit s’entendre de manière plus large qu’en cas d’escroquerie, en ce sens que le requérant doit avoir sciemment donné des informations trompeuses aux autorités et/ou laissé l’autorité dans l’erreur sur des faits qu’il savait essentiels. Dans certaines circonstances, l’autorité peut présumer des faits. Tel est le cas, par exemple, lorsque le fait à prouver découle d’un élément psychique lié à une relation intime, à l’instar de la volonté de vivre dans une relation stable. L’autorité a ainsi estimé que la séparation survenue peu après l’octroi de la naturalisation constitue un indice de l’absence de volonté de maintenir une relation stable. Le requérant n’a pas pu démontrer l’inverse en rendant vraisemblable la survenance d’un événement extraordinaire expliquant la détérioration de la rapide du lien conjugal, en démontrant l’absence de connaissance de l’existence des problèmes conjugaux ou une véritable volonté de maintenir une relation stable.
(1C_620/2020 du 19.1.2021)
Procédure applicable pour la construction d’une importante centrale de biogaz
La qualité pour recourir contre un projet de construction n’est pas seulement déterminée par la distance. Ainsi, les voisins subissant des immiscions provenant directement ou indirectement de l’installation sont légitimés à recourir, tel est le cas de l’augmentation de trafic induite par une route d’accès à un projet de construction. La question principale de l’arrêt porte ici sur l’obligation de soumettre une installation de production d’énergie renouvelable à partir de biomasse à une procédure de planification. Sur ce point, divers critères permettent d’orienter l’autorité quant au choix de la procédure applicable, notamment la soumission à une étude d’impact sur l’environnement en cas de dépassement net de la valeur seuil déterminante, l’importance de l’emprise au sol et les effets importants sur l’environnement. Vu la capacité de traitement de l’installation dépassant cinq fois les valeurs-seuils, l’emprise au sol du bâtiment et la proximité de l’installation d’une zone de protection des eaux, le Tribunal fédéral conclut qu’une procédure de permis de construire est insuffisante en l’état.
(1C_164/2019 du 20.1.2021)
L’avocat devra passer à la caisse
Un avocat bernois devra payer les 25 500 francs de frais de justice infligés par le TAF. En été 2018, le TAF l’avait condamné à payer des frais de justice de 1 500 francs pour chacune des 17 procédures d’asile où il avait présenté des demandes de révision. L’avocat considérait que les décisions avaient été rendues par des panels de juges comportant trop de membres de l’UDC. Le TAF avait considéré ces actions, visant selon lui à bloquer les procédures d’appel, comme constitutives d’abus de droit. Contrairement à l’avis de l’avocat, le TF considère que ni sa liberté d’expression ni sa liberté économique n’ont été violées.
(5A_84/2020 du 13.1.2021)
La suppression de l’indemnité journalière était correcte
C’est à raison que les autorités bernoises ont suspendu les indemnités de chômage d’un journaliste pendant 26 jours parce que l’homme, qui travaillait comme rédacteur, avait démissionné sans s’être assuré d’obtenir un nouvel emploi. Le secteur des médias étant soumis à une forte pression, et des emplois comparables étant difficiles à trouver, il aurait été raisonnable, pour lui, de rester à son poste occupé de longue date. Devant le TF, le journaliste a fait valoir que le stress professionnel important dû au harcèlement moral et les problèmes de santé qui en ont résulté, invoqués pour justifier sa démission, n’ont pas fait l’objet d’une enquête approfondie. En outre, les autorités bernoises auraient dû obtenir un certificat de son épouse, qui, en tant que médecin, aurait pu fournir des informations sur son état de santé. Le TF voit les choses différemment, et considère qu’une atteinte déraisonnable à la santé n’a pas été établie. Il en conclut que c’est à juste titre que les autorités ont considéré que l’homme s’est retrouvé au chômage par sa propre faute.
(8C_584/2020 du 17.12.2020)
Droit de réplique: il faut accorder au moins dix jours pour être entendu
Dans une affaire de retrait préventif du permis de conduire, le TF confirme qu’il faut au moins attendre dix jours pour être certain qu’un assuré ne fera pas usage de son droit de réplique. Ce droit, dans le cadre d’une procédure judiciaire, fait partie du droit constitutionnel d’être entendu, garantie par la Constitution fédérale et par la CEDH. En l’espèce, l’autorité bernoise compétente a été trop prompte à statuer sur le recours concerné.
(1C_338/2020 du 19.1.2021)
Tribunal administratif fédéral
Chlorothalonil: deuxième décision incidente
Le TAF admet les demandes de mesures provisionnelles de Syngenta Agro AG. L’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) doit s’abstenir de désigner quatre produits de dégradation comme étant «pertinents» sur le plan toxicologique. Le TAF se réfère notamment au fait que les indications de l’OSAV pourraient être reprises dans les médias sur la base d’hypothèses contestées, à l’instar de la valeur limite dans l’eau potable. Le tribunal juge vraisemblable que la recourante risque de subir un dommage considérable sur le plan économique mais aussi en termes de réputation si des médias venaient à publier des informations partant de postulats potentiellement erronés. Cette décision incidente est susceptible de recours au TF.
(B-3340/2020 du 15.2.2021)